Cette semaine, j'ai roulé sur une Kawasaki 750 Stinger de 1989. Je vous explique pourquoi cette moto est importante.
Suzuki prend tout le monde de court au milieu des années 1980 avec l'incroyable GSX-R 750. La concurrence se fait déborder par cette machine certes exclusive, mais le côté "moto de série dérivée de la course" plait aux fans, et l'on rappellera à quel point les sportives étaient alors importantes dans le marché de la moto.
Hélas pour Kawasaki : quand la GSX-R sort, il ne peut répliquer qu'avec la vieillissante 750 Ninja, puis s'engage avec la très discutée GPX 750, dont le design mièvre et la partie-cycle ratée la condament à une carrière en demi-teinte. Surtout, elle n'est pas digne de la réputation que Kawasaki a construit au fil des années, depuis la 900 Z1 de 1972 ! Tout n'est cependant pas à jeter dans la GPX, notamment son moteur : souple, coupleux, puissant, rageur, ce quatre cylindres déborde de qualités. Kawasaki va donc le récupérer et repense tout ce qu'il y a autour ; châssis, suspensions, design, philosophie et c'est tant mieux, même si la ZXR à cadre alu est plus lourde de 5 kilos que la GPX à cadre acier. Malgré cela, la ZXR est une vraie sportive. A noter que l'importateur français, séduit par le film et probablement aussi par Kelly McGillis, est en pleine "Top Gun mania" : entre la ZX-10 rebaptisée "Tomcat" et cette ZXR "Stinger", du nom d'un missile, on vous vendait une moto et un peu de rêve avec !
Kawasaki 750 Stinger, sa vie, son œuvre
A l'époque, la carrière des motos sportives était assez courte : la Stinger n'a existé que pendant deux ans. Le type H1 est de 1989, la H2 de 1990, et en 1991 apparaît la ZXR "J" qui se distingue par une fourche inversée, un nez de carénage plus anguleux, des coloris osés (bleu ou bordeaux uni sur cadre noir)... La H1 et la H2 sont deux motos assez différentes : d'abord côté look, la H2 ayant des rétros de couleur (noir sur la H1), tandis qu'au-dessus des optiques deux bandes blanches encadrent un rappel de la couleur secondaire. Mais le meilleur est à l'intérieur : la H2 dispose d'un nouvel échappement (issu de celui du modèle d'endurance) et cela implique une modification de l'emplacement du filtre à huile (incorporé au carter d'huile au lieu d'être à l'avant du bloc moteur), des carbus plus gros (38 au lieu de 36), le moteur intègre de nouvelles pièces (bielles, pistons, soupapes, arbres à cames), le bras oscillant perd son renfort supérieur, la roue arrière est plus légère. La H2 fait 5 chevaux de plus et 5 kilos de moins que la H1, ce qui conduit certains puristes à la préférer quand d'autres puristes préfèrent la H1 parce que c'est la première.
Vous admirerez ainsi à quel point les constructeurs se prenaient la tête à l'époque. Mais cette démarche valait le coup, car le marché était là pour absorber les efforts des constructeurs : il s'est en effet vendu 1757 H1 et 1648 H2 en France, un score qui ferait rêver aujourd'hui les fans de sportives !
Dernière info : une H2 valait 58 411 F, contre 54 520 F pour une GSX-R équivalente ; ça nous fait, grâce à la calculette magique de l'INSEE, l'équivalent de 13 600 € d'aujourd'hui.
Kawasaki 750 Stinger : 3 choses qui m'ont fait kiffer
Large, trappue, racée, la ZXR 750 est le genre de moto faite pour intimider. Pourtant, au guidon, voici trois choses qui m'ont fait kiffer :
- Déjà, l'ambiance. Entre la couleur grenouille, le large compte-tours en position centrale, le réservoir assez large et les guidons placés très bas, on sait que ça va être du sport. Et encore : que dire de ces deux conduits d'air, censés gaver le moteur ? En fait, ils ont un rôle passif et se contentent de refroidir la culasse, mais ça fait son effet !
- Comme prévu, le moteur est la pièce maîtresse de l'engin. Sa sonorité métallique, son allonge dans les tours, son caractère au-dessus de 7000 tr/mn en font un compagnon dont on ne se lasse pas.
- C'est une moto qui demande un peu d'engagement ! Au guidon, faut s'appliquer, faut bosser, faut lui expliquer qui est le boss. Elle déteste les routes à bosses et demande de la poigne. Mais sur un itinéraire adapté, le freinage est encore correct et le train avant inspire confiance...
Une Kawasaki 750 Stinger aujourd'hui : combien, comment ?
Attention, ça grimpe doucement. Certains pros n'hésitent plus à afficher des Stinger restaurées ou bien conservées à des tarifs élevés (de 6 à 8000 €) et en cherchant un peu, on en trouve encore quelques propres entre 4 et 5000 €. Avec un peu d'entretien et de respect, le moteur est solide (il est facile de dépasser les 100 000 km). Les motos qui roulent peu finissent par avoir des problèmes de carburateurs et si l'on ne trouve plus de rampe propre à la Stinger, il est possible d'adapter une rampe de ZZR 1100. La courroie d'alternateur peut aussi flancher. On gardera à l'esprit qu'il n'y a quasiment plus de pièces...
Quelques chiffres clé :
- 4 cylindres en ligne, 4-temps, 249 cm3, 68 x 51,5 mm
- 4 carburateurs Keihin, 36 mm
- 107 ch à 10500 tr/mn
- 77 Nm à 9000 tr/mn
- 205 kilos à sec
- 245 km/h chrono