Printemps 84. En Grand Prix 500, Yamaha triomphe avec la 500 V4 . Sur la route, Yamaha commercialise une réplique de celle-ci.
Faut il la faire ?
Et dire qu’au début Yamaha ne voulait pas la produire ! Vu que la 350 avait déjà une réputation sulfureuse ….il a fallu pas mal d'audace au board de Yamaha pour oser sortir une 500 ! Il a donc fallu travailler sur un habile compromis entre caractère et performances, docilité et usage quotidien. La fiabilité, l’esthétique, …..un bone casse tête quand on veut faire la moto de Roberts sans souhaiter effrayer les propriétaires ni décevoir leurs attentes. Ni fade, ni ingérable...
Fin 82, les ingénieurs, aux noms prédestinés, Hashimoto, Suzuki et Yayama sont préposés à sa réalisation. Ils se mettent au travail et en fin d’année 1983 la RD500LC est présentée au salon de Paris avec un magnifique cadre alu, qu’elle perd malheureusement pour un cadre moins onéreux en acier lors de sa commercialisation. Le moteur reprend en partie les caractéristiques conceptuelles de la moto de course, avec deux vilebrequins, mais abandonne l’alimentation par disques rotatifs pour une à clapets . La ligne un peu ronde s'inspire totalement des machines de GP, et les 4 sorties d'échappements avec les silencieux alu sont très évocatrices!
Un coeur qui fait peur !
Autant aller droit au but, ce qui caractérise la 500 LC c’est son moteur. Pour la première fois un V4 2 temps va être disponible sur la route !
Un vrai V puisque ce sont 2 bicylindres distincts et deux vilebrequins distincts qui sont accouplés. Une technologie très évoluée qui fleure le paddock de GP !
Pour rendre le moteur plus compact Yamaha a pris le pari très complexe d’accoupler 2 bancs de cylindres rendus solidaires au niveau de la transmission primaire ! Le premier vielbrequin entraine la pompe à eau et un arbre d’équilibrage. Comme il était impossible de loger les carbus au centre du V, il faut trouver une solution . Ce ne sera pas le plus évident , mais, le bicylindre avant est alimenté par des clapets dans les carters, et pour l’arrière directement dans les cylindres !! En écartant la solution des distributeurs rotatifs, Yamaha exploite ses connaissances énormes sur les clapets dont il est l’inventeur et le spécialiste
On a donc quasiment affaire à deux moteurs aux alimentations différentes. Les pipes sont orientées à 90° et les carbus sont logés latéralement sur les cotés du moteur . Avec des boites à air qui se séparent après un filtre commun centralisé sous le réservoir . Moralité de cette solution : cylindres différents, pistons différents, et sans doute une bonne prise de tete pour harmoniser les puissances de manière à ce que les efforts sur les vilebrequins soient strictement équivalents !
Outre cette curiosité à priori unique dans la production, la 500 dispose de valves YPVS à l’échappement pour calmer un peu le jeu , d’une boite extractible ( comme en course ) dont la lubrification est sous pression : pour gagner de la longueur sur le bloc moteur, la pignonnerie du kick est surélevée par rapport à la boite, et c’est pour cela quel la lubrification se fait sous pression. On note encore un allumage électronique géré par un microprocesseur, et 4 carbus Mikuni de 26 mm !
Sous le réservoir c’est un peu la foret vierge : 4 cables de starter, double alimentation des carbus ( 1 rangée de chaque coté ) , double palonnier d’accélérateur, etc...
Résultat des « courses », le V4 sort 87 ch à 9500 tours minutes !
Compte tenu de la particularité de l'implémentation du moteur, 2 des quatre pots de détente passent sous la selle et débouchent au niveau du feu arrière. Les 2 autres pots de détente passent classiquement sous le moteur et se répartissent de chaque coté de la roue arrière. Pour homogénéiser la longueur des pots de détente, les 2 pots d'échappement passant sous la selle se croisent :le silencieux supérieur gauche correspond au cylindre droit et inversement
Un chassis.....sous contraintes
Présentée avec un sublime chassis alu, la RDLC arrive finalement en Europe avec un cadre ….acier ( on a pas dit à ch … ) La déception est là, mais Yamaha est encore une fois inquiet et préfère assurer le coup . L'acier est plus facile à réparer au cas où... On oublie également la fourche réglable.
On admire cependant la hardiesse de conception avec un amortisseur central réglable rejeté à l’horizontale entre les échappements inférieurs. Il est relié à un système de bielettes. De toutes facons avec la batterie, il n’y avait pas d’autres choix possibles pour le loger ! Un V4 2 temps a beaucoup de place consacrée à ses échappements, donc il faut trouver des subterfuges !
Jante de 16 à l’avant, fourche de 37 mm de diamètre freinage anti plongée, la tenue de route de la RD sera marquée par un manque de rigidité et une largeur de jantes plutot pénalisante , surtout à l’arrière ( seulement 3 pouces de large ) !
Le cadre alu, la fourche réglable, c’est sur la version Japonaise ( RZV 500 R ) et ceux qui ont roulé avec découvrent une autre moto . 5 kg de moins, mais surtout rigidité et vivacité en nette hausse. Dommage !!!!
Départ dans 30 secondes
En tout cas, la RD est la première GP Réplica . La complexité de la motorisation, la puissance élevée, la roue de 16, les pots détente qui sortent dans la selle, la ligne de la carrosserie, ….tout vous ramène à la course.
Enlevez clignos et rétros, vous imaginez facilement la silhouette de Kenny Roberts ouvrant votre garage !
Sortir le superbe kick en alu du carénage ( il pivote vers l’arrière puis s’articule ) , mettre le starter ( à gauche planqué derrière le carénage ) mettre le contact, écouter le bzzz-bzzz de l’YPVS et kickez. Le son est sans appel, c’est un 2 temps, un 4 cylindres 2 temps à la voix si caractéristique. Derrière le dosseret, 4 traits de fumées ponctuent chaque coup de gaz. Quelle ambiance et vous n’avez meme pas démarré !
Une poignée de gaz au tirage court, un embrayage précis mais ferme, une première à 40% qui monte à plus de 90 ( étagement course ! ) ……pas de secret il faut faire légèrement cirer pour démarrer correctement .
La 500 s’ébroue avec docilité, autour des 2000 tours. Vers 4000, on égrene les rapports ultra serrés et la souplesse vous étonne . Une machine facile à emmener sous les 6000 tours le temps que le moteur chauffe et que l’aiguille du mano décolle .
Puis par curiosité, évidemment , vous ouvrez…..là , d’abord il y a un léger fléchissement de la courbe de puissance entre 5 et 6500, puis à 7000 la vraie puissance arrive et il ya une deuxième RDLC, celle des Grand Prix. La voix s’éclaircit, le compte tours bondit , 9500 il est temps de passer le rapport du dessus, l’avant s’est allégé, le rythme s’envole, le V4 hurle. Vous entrez de plein pied dans les sensations fantastiques des 2 temps performants . Des moteurs vifs, disponibles, bourrés de sensations physiques et sonores ! Quel pied !
Conduire en pilotant ?
Evidemment, il va falloir freiner ( disques de 270 mm ) , puis tourner. Evidemment, ce que vous avez entendu sur la RDLC est vrai. La moto est très courte ( 1375 mm seulement ! ) , un peu haute. Elle bouge, elle manque de rigidité. Ce n’est pas la meilleure partie cycle de sa génération, loin de là .Mais une fois sur l’angle, vous visez la sortie en déhanchant, et le tour de manège recommence dès 7000.
Autant la 350 était la reine des improvisations, autant la 500 se pilote avec la tete. Sinon, c’est elle qui décide. Son moteur haut impose son inertie malgré la légèreté et la roue avant de 16 pouces. Et puis il ne faut négliger l'effet gyroscope du double vilebrequin . Il faut réfléchir, conserver la bonne plage d’exploitation moteur et gérer les mouvements de chassis ! Ce n’est pas un vélo que l’on jette à droite et à gauche, c’est une moto exigeante. Elle est si précise qu’il ne sert à rien de rouvrir en grand après chaque rapport, non , il faut doser et rouvrir les gaz en accompagnant . Finalement c’est une moto cérébrale . Mais quel plaisir ! Elle est un peu physique pour passer d’un angle à l’autre, il faut déhancher en l’inscrivant, sa partie cycle est parfois vive et réactive, mais elle est tout à fait pilotable si on prend le temps de la comprendre. Il faut s'appliquer
Par contre, si vous n’avez pas la grande forme, à l’inverse des premières 350, sa souplesse et le confort de ses suspensions en font une machine facile à conduire, docteur Jekyll sait faire du tourisme .Les valves à l’échappement apportent douceur et le couple est plutot bien distribué. Yamaha a bien réussi son coup la RD 500 n’est pas un monstre pointu et creux . Vous pouvez traverser la France par le réseau secondaire, sa consommation est plutot raisonnable, et sa docilité remarquable entre 2 et 6000.
Ce double jeu fera que finalement la RD 500 LC n’aura pas la meme carrière en circuit que la petite sœur 350. C’est une machine prestigieuse, de connaisseurs, pas une moto de chiens fous.
Liens:
La 500 Suzuki arrivera un an plus tard pour prendre cette place de reine des Promosports. Seuls faits de courses à mettre à son actif, JP Lecointe en engagera une au Bol d’Or, et il finira 3 fois vainqueur de la catégorie 500 ! Pour une moto soit disant caractérielle et fragile , belle preuve d’une fiabilité qui ne fut jamais prise en défaut . Solide, souple et puissante, capable de vous surprendre , la 500 LC a largement mérité ses galons de moto historique ! Et puis c'est elle qui a vraiment créé cette catégorie, et rien que pour son role d'initiatrice, c'est d'elle dont on se souviendra. La complexité de son moteur ayant encore renforcée l'image . Bon anniversaire !
- Image Grand Prix
- Caractère moteur
- GP Replica
- Réfection moteur complexe
- Chassis