Alors que nos sites Motoservices et Motorlive viennent de vous présenter la dernière déclinaison de la Suzuki GSX-S 750, en version A2, il est temps de revenir sur la saga des Suzuki GS, celle des Suzuki routières à 4 temps...
Novembre 1976 : Suzuki fait sa révolution et présente la GS, qui est son premier moteur 4-temps (en réalité, les usines Suzuki avaient fabriqué sous la marque Colleda des petites 90 et 123 cm3 4-temps au milieu des années 70).
Au début, ça commence modestement : la première GS est un bicylindre parallèle de 400 cm3 à deux soupapes par cylindre. Mais l’étape est importante, parce que jusque-là, Suzuki est essentiellement un producteur de motos 2-temps, des machines simples, robustes et suffisamment performantes, bien que manquant un peu d’éclat en comparaison des Kawasaki 3 cylindres 2-temps, et d’un peu de panache technologique en face des Honda et de leurs 4-temps complexes et performants.
Mais à l’instar des T500 qui viennent de fêter leurs 50 ans et dont on vous a déjà retracé l’historique, la saga des Suzuki 2-temps aura marqué l’histoire de la moto, avec en point d’orgue la « bouillotte », la fameuse GT 750 à refroidissement liquide. Parmi les curiosités de l’Histoire, mentionnons aussi la tentative à moteur rotatif de la RE-5, une machine qui a coûté tellement d'argent à Suzuki qu'elle a failli couler la boîte.
La 750 fait sensation
Novembre 1976, encore : dans la foulée des GS 250 et 400, Suzuki présente aussi la GS 750 et entre à son tour dans ce que les historiens anglicistes appellent la « Universal Japanese Motorcycle », c’est-à-dire le quatre cylindres en ligne 4-temps, qui sera l’axe principal de travail des Japonais pendant longtemps ! Avec son double arbre à cames et ses 63 chevaux, la GS 750 s’aligne sur la concurrence, sans toutefois faire mieux ou proposer des avancées technologiques. Il n’empêche : elle était louée à sa sortie pour sa tenue de route, plus franche que celle d’une Honda CB 750, moins pataude que celle d’une Yamaha XS 750 et plus vive que celle d’une Kawasaki 900 Z1.
Ensuite, Suzuki prend goût au quatre-temps : les années qui suivent vont voir arriver une belle série de déclinaisons. Il y en aura pour tous les goûts, toutes les cylindrées, toutes les bourses et tous les styles de conduite. En effet, la GS 400 devient GS 450 et puis, au-dessus, on voit apparaître des GS 550 et 1000 en 1977, par exemple, puis une 850 en 1978.
Suzuki se laisse même aller à développer des modèles avec un cardan (ce sera les GS 850 G et GS 1000 G), pour les routards. Mais les grosses GS seront aussi des inspirations pour les pistards, puisqu'une GS 1000 préparée par le sorcier Pop Yoshimura gagnera la course de Daytona et les 8 Heures de Suzuka en 1978 ainsi que le championnat américain AMA en 1979 et 1980 avec Wes Cooley au guidon. En Europe, la GS 1000 remporte le championnat Formula TT (ancêtre du SBK) en 1980 et 1981. Bref, la GS savait aussi briller sur piste : Suzuki conserve ça dans un coin de sa tête, on en reparle quelques années plus tard.
Le X qui change tout
Quand Suzuki dessine une toute nouvelle culasse avec quatre soupapes par cylindres et la fameuse technologie TSCC (Twin-Swirl Combustion Chamber), à double flux, les GS deviennent GSX (sauf sur les marchés américains et canadiens, où les motos à 4 soupapes s’appellent toujours GS, jusqu’à l’arrivée de la GSX-R 750 en 1985) et gagnent en performance. On est alors en 1980 et la GSX-S 750 A2 dont parle Mehdi trouve là ses origines, il y a 39 ans, c’est plus vieux que car il a la jeunesse éternelle.
A part la culasse, la conception du moteur est identique entre les GS et GSX. Avec ce moteur, Suzuki tente la Katana, qui fera couler beaucoup d’encre et dont on reparle encore aujourd’hui (essai et vidéo Katana 2019).
Les choses évoluent encore en 1983, avec l’arrivée de la GSX 750 ES qui se distingue en étant la première Suzuki routière avec un amortisseur arrière type « monoshock » en lieu et place des deux amortisseurs conventionnels, sur les côtés. Elle innove aussi avec son freinage à trois disques, une jauge à essence et un indicateur de rapport engagé. Une bien bonne moto, qui a hélas souffert de l’arrivée d’un « ovni technologique » la même année : la Honda VF 750 F avec son V4 à refroidissement liquide, démode tout le reste, hélas… Bref, pour la faire simple, les GSX 750 et GSX 1100 sont de bonnes motos, mais il leur manque un petit peu d’attractivité pour se distinguer de la concurrence.
Le R qui change tout !
En 1985, Suzuki frappe fort : avec la GSX-R 750, le motard lambda accède à une véritable machine entièrement dérivée de la course. Il faut dire que pour la modique somme de 42500 F, le motard d’alors s’offrait à la fois un pedigree (à peine arrivée sur le marché, la GSX-R écrit sa légende en remportant les 24 Heures du Mans en avril 1985) et de la haute couture : un cadre et un bras oscillant en aluminium, vus jusque là comme des matériaux réservés à la compétition (contrairement à une croyance tenace, ce n’est pas la première moto de l’histoire dotée d’un cadre alu, elle a été précédée par le Suzuki 250 RG de 1983 et la GSX 400 liquide de 1984), la puissance incroyable pour une 750 cm3 de 100 chevaux, 230 km/h chrono, 11,3 secondes aux 400 mètres départ arrêté. Et surtout, un poids à sec de 176 kilos : quelle prouesse, lorsque l’on réalise que jusque là, une « réplica », c’était une Honda VF 1000 R de 270 kilos.
Il faut reconnaître que Suzuki n’avait pas ménagé ses efforts dans la chasse au poids : par rapport à une GSX 750 ES, qui se trouve avant elle dans la généalogie, les roues sont plus légères de 20 %, le cadre acier composé de 96 éléments laisse la place à un cadre en aluminium ne faisant appel qu’à 26 morceaux différents, et qui ne pèse que 8,1 kilos, soit au bas mot 5 de moins. Le bras oscillant, en aluminium lui aussi, ne pèse que 1,8 kilos. Le moteur a perdu 20 kilos, en n’en affichant que 73, grâce à l’utilisation, entre autres, d’un couvre culasse en magnésium. Et Suzuki innove à nouveau avec le SACS, le Suzuki Advanced Cooling System, un refroidissement mixte air / huile, une technologie certes ancienne (brevetée par Rolls Royce en 1924 pour les moteurs d’avion), qui nécessite un gros carter d’huile (5,5 l) et fait appel à deux pompes à huile, une pour la lubrification, l’autre pour le refroidissement, d’un débit de respectivement 50 litres et 40 litres par minute. Ce moteur, extrêmement solide, pouvait sortir jusque 130 chevaux en compétition.
Avec la GSX-R, Suzuki peaufine son identité là où ses concurrents produisent des 750 consensuelles (Honda VFR, Kawasaki GPX, Yamaha FZ). Et surtout, le SACS aura une belle carrière sous bien d’autres formes, tandis que les GSX-R évolueront, laissant quelques belles pièces dans l’Histoire, mais aussi quelques ratés (les dernières évolutions de 1100 liquides étaient de grosses dindes boursoufflées qui pesaient 250 kilos et qui étaient ridicules dans leur coloris fluo…).
SACS à tous les étages
A l’époque, Suzuki avait le coup de génie fréquent (hélas, ces fulgurances les ont quittés, on cherche un peu le retour…). Le moteur SACS va vivre d’autres et belles aventures dans le cadre des GSF : GSF, c’est pour Bandit. Bandit 400, Bandit 600, Bandit 1200. Dès le milieu des années 90 et pour une bonne décennie, la Bandit sera la machine à cash de la firme d’Hamamatsu ; puis à moindre frais et pour surfer sur la tendance naissante du néo-rétro, Suzuki relooke ses Bandit et en fait des Inazuma 750 et 1200.
Le SACS est simple techniquement, il est fiable et éprouvé, suffisamment puissant pour l’usage auquel il est destiné et les Bandit dureront longtemps au catalogue sans beaucoup évoluer, si ce n’est le passage au refroidissement liquide et une petite augmentation de cylindrée (650 et 1250) pour passer les nouvelles normes de pollution. Le temps, hélas, fait son effet : de turbulentes, les Bandit deviennent sage face à une concurrence qui aiguise ses propositions. Et la fulgurance quitte Suzuki : ils mettent 5 ans à réagir face au phénomène Z 750 et pondent, finalement, une GSR 750 qui se met au niveau sans vraiment faire de différence (si, elle tient un peu mieux la route et se révèle moins inconfortable). La GSR finit par s’affirmer et devient GSX-S, en 750 et en 1000. Retour à la case départ…
Du GS pour tous
Le passage au quatre-temps a permis à Suzuki d’ouvrir une gamme de machines, les GS, qui auront satisfait tous les besoins ou presque : de l’utilitaire à la sportive, du roadster à la routière, les GS ont rempli tous les rôles. Au sein de cette riche lignée, on gardera une tendresse particulière pour la GSX 250 F Across (et son coffre pour loger un casque dans le faux réservoir), à la GSX 1400 et son moteur bourré de couple, à la GSX-F 600 avec son feu arrière en cul de poule, à la GS 125 qui permettait d’entrer dans la famille, à la GS 1000 L avec ses airs de chopper, à la GS 1200 SS, et son look de café racer néo-rétro, auquel, hélas, nous n’avons pas eu droit… et à bien d’autres encore. D'ailleurs, combien d'entre-nous ont passé le permis sur une GS 500 E ? Et vous, quelle est votre GS préférée ?