A quelques semaines près, on a raté son anniversaire ! La Yamaha SR 500 est apparue en 1978, a donc fêté ses 40 ans, mais rentre dans l’histoire comme une machine discrète et serviable, qui a connu plusieurs vies chez le constructeur japonais, au gré des va et vient dans le catalogue !
Question image, la SR 500 a toujours vécu dans l’ombre sa baroudeuse « soeur », la XT 500, qui l’a précédé de trois ans dans l’histoire de la firme aux trois diapasons. L’une sentait bon l’évasion et le sable chaud, elle véhiculait des rêves d’Afrique et d’aventure, elle frimait avec ses jantes dorées et son réservoir chromé surligné d’un liséré rouge. L’autre, ben disons qu’elle n’avait rien de tout cela. Par contre, elle assurait le quotidien. Ca fait moins rêver, mais ça rend plus service. Et c’est vrai aussi que, techniquement parlant, la SR n’a rien qui puisse attirer vraiment l’oeil ni nourrir d’interminables discussions aux comptoirs des bistrots.
Comme son nom l’indique
Néanmoins, l’équipe dirigée par Shunji Tanaka (note : à ce stade de l’écriture, difficile de dire si c’est un homonyme ou pas, mais un Shunji Tanaka est également auteur, plus tard, des Mazda MX-5 et des Kawasaki Z1000 de 2003) prend la base mécanique de la XT et en fait une SR, pour « Single Roadster ». Attention, ils ne se sont pas contentés de coller des suspensions moins hautes et des pneus plus routiers. De XT à SR, il y a quand même quelques sérieuses modifications. Par exemple, le cadre de la SR est fait de tubes de section plus importante, le carburateur n’est plus un Mikuni de 32 mm mais un Mikuni de 34 mm, les conduits d’admission sont plus gros (ils passent de 45 à 47 mm), l’électricité n’est plus en 6V mais en 12V, le moteur est monté dans le cadre avec quatre points d’ancrage (contre trois pour la XT). Par contre, les équipes de Yamaha ont voulu conserver une machine simple et légère, facile et accessible à tous, sans contraintes techniques : le démarrage reste donc exclusivement au kick !
Après l’heure… c’est quand même l’heure !
Pourtant, la SR arrive à une époque où trois éléments de contexte pourraient jouer contre elle. D’abord, l’ère du monocylindre routier semble finie. L’industrie anglaise, qui fut longtemps pourvoyeuse de ce type de machines ô combien attachantes, a coulé corps et bien en 1978 (par pudeur, on oubliera les Bullet indiennes, qui a ce moment d’ailleurs, n’existent pas en 500 mais en 350, et qui font poum-poum de manière placide à la frontière pakistanaise) et les motards ont désormais accès à de grosses cylindrées pleines de cylindres, voire à des petits 400 à 2 ou 4 cylindres, vaillants et capables de prendre beaucoup de tours. Ensuite, la SR 500 ne se démarre donc qu’au kick, ce qui pourrait en rebuter certains, d’autant qu’avec son taux de compression conséquent (9:1), elle demande tout de même un petit mélange d’habitude et d’énergie dans le coup de jarret. Enfin, elle annonce 32 chevaux, ce qui est modeste (mais nos confrères de Motorcycle Mechanics en ont passé une au banc de puissance en 1979 : résultat, 25 petits modestes chevaux…). En plus, la SR 500 devait faire oublier à une clientèle Yamaha échaudée les fiascos techniques que furent les TX 500 et TX 750, voire aussi, dans une moindre mesure, la XS 500.
Et pourtant ! La SR 500 a su se trouver une clientèle qui, déjà à l’époque, savait apprécier les plaisirs simples d’une machine fiable et fidèle, et refusait, déjà, la course en avant et l’escalade de la puissance. La SR 500 n’était pas une machine particulièrement légère : elle faisait 163 kilos à sec, mais son gabarit était domesticable par tout un chacun, elle était étroite, pas trop haute de selle (785 mm), pas trop volumineuse, maniable en ville avec son empattement de 1400 mm, et suffisamment performante pour la ville ou le réseau secondaire (avec une vitesse de pointe de 140 km/h et une vitesse de croisière raisonnable à 110 km/h). Sans être fantastique, sa tenue de route était saine et la machine était, en fait, parfaitement cohérente.
Stable dans la durée
Née avec un frein à disque (type Mines 2J4), la SR 500 évoluera ensuite, en jouant sur son classicisme… ce qui la conduira même à adopter un frein avant à tambour (type 48T). La SR 500 ne se donne pas un genre : elle est le croisement d’une nostalgie à l’anglaise, avec le savoir-faire japonais. De fait, elle évoluera peu, mais la stratégie de Yamaha n’est pas simple a suivre : selon les pays, la SR 500 est arrivée, repartie, revenue ; elle fut un bide en certains lieux (USA, Grande-Bretagne), quasiment un mythe dans d’autres (Allemagne, où le magazine Motorrad l'a élue deux fois "moto de l'année" !, ainsi qu'au Japon…).
En 1981, elle se dote de roues à bâtons (elles étaient proposées en option dès 1979), revient comme SR 500 Classic au tournant des années 1990 avec une roue avant de 18 pouces et un frein à tambour, ainsi qu’un moteur assagi à 27 chevaux. La SR 500 a cessé d’être produite en 1999. Fin de l’histoire ? Pas du tout, car en parallèle, le Japon produisait une SR 400, qui a été remise au goût du jour pour refaire carrière en Europe en 2014, en pleine vague néo-rétro. Dotée d’un injection, conforme à la norme Euro 3, possédant un frein à disque à l’avant et, toujours, son démarrage au kick, la SR 400 a été victime, semble t’il, d’une réunion qui a probablement mal tourné, les équipes marketing de la firme aux trois diapasons ont décidé de l’afficher à un tarif qui ne lui donnait absolument aucune chance sur le marché : à 5999 €, soit au prix d’alors d’une MT-07, il fallait quand même aller trouver le client (la même était vendue l’équivalent de moins de 4500 € au Japon). Moins de 300 exemplaires auront été vendus en France.
Aujourd’hui, alors que la cote d’une XT 500 restaurée peut atteindre les 6000 €, on trouve une belle SR pour moitié moins cher. Costaude, la machine n’est cependant pas indestructible : on portera donc son attention sur les bruits au niveau du haut moteur, l’état du carburateur (diaphragme de la pompe de reprise s’use rapidement), la régularité de l’entretien (il y a trois filtres à huile dont un dans le cadre), l’état des roulements du bras oscillant, le bon fonctionnement du kick. Et alors, vous serez prêt, vous aussi, pour redécouvrir les joies des motos simples !
Bon quarante ans, SR 500 !