C'est pas courant, mais ça existe : le Diesel dans une moto, c'est une expérience à part. Parmi les raretés, la Royal Enfield Diesel mérite le détour...
Vous êtes à la station essence et, soudain, un quidam se rue sur vous, l'air absolument catastrophé : "attention, malheureux, vous êtes en train de mettre du gasoil dans votre moto". Eh oui : bienvenue à bord de la Royal Enfield Diesel.
Royal Enfield Diesel, sa vie, son oeuvre
Royal Enfield, on connaît : c'est la plus vieille marque de motos du monde, ayant produit de manière continue depuis 1901, d'abord à Redditch (Grande-Bretagne), puis simultanément à Madras (devenu depuis Chennai) dès 1958, avant que l'usine anglaise ne ferme ses portes en 1970. Depuis, la marque indienne a frôlé la correctionnelle avec une fin des années 2000 difficile (pour cause de modèles "fonte" devenus totalement obsolètes), mais a renversé la vapeur de manière magistrale avec les 500 EFI et l'arrivée des Himalayan 410 ainsi que des 650 Interceptor et 650 Continental GT.
Ce que l'on sait moins, c'est que la moto Diesel est elle, aussi, une très longue histoire. On en retrouve les premières traces vers 1904, quand le hollandais Jan Dropper installe dans le cadre d'un vélo un petit moteur Brons (2 ch à 700 tr/mn). On en retrouve aussi dans les années 50 (la Norton de Tony Sydney), puis les Kawasaki KLR de Hayes (USA, les fabricants des freins de la BMW R 1250 GS Adventure, par exemple) destinée à l'US Army, sans oublier quelques curiosités, comme les hollandaises Track 800 à moteur de Smart ou Star Twin 1200 à moteur de VW Lupo TDI.
La relation entre la Royal Enfield et le Diesel remonte à 1992 : les livreurs et laitiers indiens sont confrontés à une crise énergétique et au coût du carburant. La solution vient d'un groupe électrogène, un petit moteur Greaves Lombardini de 325 cm3 qui est installé par Sooraj Automotives et qui sera distribué officiellement dans le réseau officiel Royal Enfield, avant que les normes de pollution sifflent la fin de la blague. Un moteur plus gros sera également disponible : il fait 8,5 ch (contre 6 ch pour le 325) et dispose d'un démarreur électrique. L'argument ultime, c'est une consommation de 1,5 l/100 et 1000 km d'autonomie avec un plein, qui coûte alors le prix de deux cheese nan, puisque là-bas, à l'époque, le gasoil coute la moitié du prix de l'essence.
Royal Enfield Diesel : trois choses qui m'ont fait kiffer
Déjà, elle est magnifique, avec son bas moteur tout carré, surmonté d'une grille pour le refroidissement, car un groupe électrogène n'a pas vocation à fendre le vent. Et à son guidon, on vit quelque chose de peu courant. Voici donc trois choses qui m'ont fait kiffer...
- Déjà, il y a un kif émotionnel. On sait que l'on roule sur un truc qui n'est vraiment pas courant. Entre la forme du moteur, les traces grasses autour du bouchon de réservoir et les copieuses vibrations au ralenti qui traversent les repose-pieds, on peut dire qu'il y a de l'ambiance... Pourtant, l'instrumentation et les commandes sont les mêmes que sur une Royal Enfield Bullet contemporaine.
- Le moteur donne dans la douceur : très souple pour un gros monocylindre, il délivre son couple maximal à 2200 tr/mn. Du coup, on enchaine rapidement les quatre rapports (à droite) et on enroule sur le couple : à 80 km/h, on est sur un régime de croisière, et finalement, si l'on n'est pas submergé d'adrénaline ni d'émotion, ce n'est pas désagréable non plus !
- Le châssis est celui d'une Bullet : la tenue de route est médiocre, le freinage aussi. Mais comme les performances le sont également, et à condition d'avoir un esprit ouvert, on enroule en souplesse et, si un rayon de soleil vient arroser une petite route de campagne, on se surprend à y prendre du plaisir !
Une Royal Enfield Diesel aujourd'hui : combien, comment ?
On estime qu'il y a environ 80 Royal Enfield Diesel sur le territoire français, donc ce n'est pas tous les jours que vous en verrez une à vendre. La moto n'ayant jamais été importée en France, le problème, ce sont les papiers, et le seul spécialiste reconnu de l'hexagone a réussi à les faire homologuer comme véhicule de collection par la FFVE. La cote de ces machines reste assez stable, autour de 5000 €, le prix de la rareté, probablement. Le moteur est assez costaud si on l'utilise comme il se doit ; on fera juste attention aux vibrations qui ont tendance à fendre le réservoir tandis que les roulements de bras oscillant peuvent prendre du jeu pour les mêmes raisons.
Quelques chiffres clé :
- monocylindre, 436 cm3, Diesel
- injection directe
- 8,5 ch à 3600 tr/mn
- 24 Nm à 2200 tr/mn
- 184 kilos à sec
- 110 km/h