« Acta est Fabula », alias « la pièce est finie » disait on au théâtre romain à la fin de la représentation. L’aventure a pourtant été belle, elle était terminée de fait depuis le rachat du nom et seulement du nom Voxan par le milliardaire monégasque Gildo Pastror. C’était en 2010.

La société Voxan a démarré à Issoire, elle a été créée par Jacques  Gardette en 1995.

Et le fait est que dans toutes les tentatives de renaissance de la moto française, celle-là avait de beaux arguments. De belles motos, j’adorais le Scrambler mais il est vrai que je suis fana de ce type de moto depuis plus de trente ans, de vrais capitaux, une vraie usine, bref une vraie belle histoire industrielle.

Il était temps, les années 70 et 80 ont vu les motos japonaises déferler en Europe, cassant ce qui restait des fabrications anglaises, françaises, espagnoles.

A cette époque, mon frère et moi étions des malades des Honda quatre pattes et de la H2 Kawasaki,  ces tsunamis  nippons prennent tout, le marché, la compète, la technologie et même cette envie très soixante -huitarde de vivre autre chose, même si c’est dangereux.

L’Italie a résisté grâce à son marché national et en Allemagne, BMW faisait des motos ringardes mais le secteur auto permettait à la moto d’exister.

Puis, ici et là, la moto française renaît, jamais très longtemps.

Mais Voxan, c’était du sérieux, on y croyait. Enfin on voulait y croire parce qu’en fait, après un décollage assez enthousiaste, et même la participation aux 24 heures du Mans en 2001, la société rame. Entre temps Dassault a mis des billes dans le projet mais si un produit ne se vend pas bien, et c’est le cas, la faillite arrive vite. C’est la mise en redressement judiciaire en 2001.

Le personnel prend les choses en main, on refuse l’inéluctable, on trouve de nouveaux partenaires (Guy Couach, c’est le teuf-teuf des moteurs de marine dans les ports, c’est aussi de grands yachts, bref, c’est du sérieux). On sort de nouveaux modèles (2003), on trouve un distributeur, une société spécialisée dans l’importation de produits chinois, dont le PDG, Pierre Laurent Chauvet est un ancien patron de Honda, qui connaît donc la musique.

Et puis on entre en bourse en 2007, le graal de ces années qui commencent à puer le pouvoir absolu de la finance et de la banque, la fin du pouvoir politique,  la fin de la passion approche aussi, le chômage monte comme une fusée Titan...

On a repris la compétition de haut niveau aussi, avec en particulier la participation au Tourist Trophy de l’Île de Man.

En 2009, il faut se rendre à l’évidence, l’économie a décidé contre la passion, et la liquidation judiciaire de l’entreprise est prononcée au tribunal de Clermont-Ferrand.

C’est là que la belle histoire s’arrête.

En 2010, Gildo Pastor, déjà propriétaire de Venturi, une belle aventure de voitures de sport françaises qui elle aussi a fini au fossé de l’économie, et décide de faire de ses autos et ses motos des engins sportifs et électriques.

La présentation de la Voxan Wattman au salon de Paris en 2013 ressemble à une party mondaine ultra chic,  c’est la moto électrique la plus puissante au monde, je ne parle pas de l’esthétique, on se fâcherait comme disait Gabin,  et le fait est que pas une ne sera vendue.

Les autos Venturi électriques surpuissantes non plus d’ailleurs, les ateliers situés en Sarthe fabriquent les Berlingo électriques pour La Poste.

Et Gildo Pastor dépense des sommes folles (le patrimoine de sa famille est estimé à 20 milliards de dollars, presque un tiers de l’immobilier à Monaco lui appartient...) pour aller battre des records de vitesse électriques à Bonneville, sur le Lac Salé, dépense encore une fortune pour sortir la moto Wattman, mais là encore, même les milliardaires n’ont pas la vie facile.

Un premier record à Bonneville avec la Venturi (515 km/h), puis une nouvelle auto mais la compétition est reportée deux années de suite !  D’une part il a beaucoup plu et le sel est mou mais surtout, l’usine de production de sel toute proche tape dans le Lac Salé dont l’épaisseur fond à vue d’œil, on ne peut plus travailler la piste pour qu’elle soit lisse sans passer à travers !

Quant à la moto Wattman, la presse lui est tombée dessus parce que c’est un monstre arrogant, et probablement impossible à piloter.

C’est sur ces faits qu’arrive l’affaire Pastor, la mère de Gildo est assassinée en sortant de l’hôpital où son fils est soigné pour un AVC.

Une histoire bien glauque de gendre qui veut repasser tout le monde et toucher tout le grisbi.

Gildo est très touché par la perte violente de sa mère, très diminué par son propre accident vasculaire, le Prince Albert le nomme consul de Monaco aux USA, et on se dépêche de liquider Voxan, ce qui a été fait au tribunal de Monaco en juin 2015.

Mais on l’a dit, l’histoire Voxan la vraie, était terminée depuis longtemps.      

Alors finie la moto française ?

Pas vraiment, on ya travaille encore pas mal.

Motobécane a été acheté par Yamaha, mais o, y fabrique, en France des scooters de la marque MBK et des motos Yamaha.

Peugeot, sa partie deux roues en tous cas, a été racheté par l’Indien Mahindra, mais continue de sortir des scooters fabriqués en France sous sa marque.

Après c’est plus discret, mais Avinton est une vraie moto de prestige, qui se vend probablement plus facilement à l’étranger qu’en France, Midual n’a toujours pas sorti sa moto mais ça va bien finir parearriver.

Et puis il y a la moto de course d’Eric Offenstadt, la Geco !

Et puis des constructeurs français qui font fabriquer leurs pièces en Chine et les assemblent en France, énorme succès de la marque MASH qui surfe sur la vague du « Classic », un peu low cost mais belles motos et semble t’il de qualité. Orcal s’est mis sur le même créneau avec sa moto Astor.

Et puis il y a enfin l’activité de restauration,  l’excellence française est connue,  la mode Classic apporte de nouveaux clients, souvent haut de gamme.

Bref, tout mis bout à bout, ça fait de l’emploi, de beaux engins, il =ya encore en France une vraie activité de la moto française ;

Bon, d’accord, on ne compare pas avec l’Italie, qui est repartie de plus belle depuis quelques années, l‘Angleterre dont les motos mythiques renaissent, l’Allemagne où BMW sort aujourd’hui des motos de rêve et pour plein de types de pilotage différents, non la moto française ne joue pas dans la même cour. Mais elle a sa cour.