C’est tout simplement l’engin motorisé le plus produit de la planète : avec plus de 100 millions d’exemplaires recensés et au moment ou Honda en introduit une version modernisée du Cub au catalogue (en ligne sur Motoservices), faisons le point sur ce monument historique !
Les voyages forment la jeunesse
En 1956, Soichiro Honda et son directeur délégué, Takeao Fujisawa, partent faire un voyage d’étude pour saisir les enjeux et perspectives de la mobilité. Ils reviennent de ce tour d’Europe et des USA avec deux certitudes. Un, le marché : l’Europe constitue un potentiel majeur, car avant que la voiture pour tous ne deviennent une réalité, les familles populaires se déplacent en deux-roues et il s’en vend alors 2 millions par an. L’Asie du Sud-Est n’est pas encore vraiment développée (le deux-roues n’est pas encore répandu, les familles populaires se déplacent en vélo ou avec un âne) tandis que le marché américain, qui est déjà le pays le plus riche du monde, est mature avec une multitude de marques présentes, une culture du loisir et une appétence pour les grosses cylindrées. Pour Soichiro Honda, c’est un marché extrêmement difficile, mais y réussir permet de déployer une stratégie à long terme de montée en gamme. Pas à dire : ce type était visionnaire ! Pour la deuxième certitude, ça se passe dans le paragraphe ci-dessous.
Think global
De fait, Soichiro et ses équipes voient déjà les choses dans une globalité : ils pensent à créer un véhicule universel, aussi à l’aise à la ville qu’à la campagne, pour tous types d’usages et tous types d’utilisateurs. Ils ont bien vu le développement des scooters et des cyclomoteurs sur certains marchés, mais ces engins ont des qualités mais aussi des défauts. Honda va en faire une sorte de création hybride, à partir d’un cahier des charges strict, qui mentionnait la nécessité d’un moteur 4 temps silencieux et économique, tout en étant puissant, un châssis et un habillage qui permettent aux femmes de s’en servir facilement, un système de changement de vitesse qui ne nécessite pas de levier d’embrayage et enfin, un design novateur. D’autres défis technologiques ont été réalisés pour parvenir à concevoir ce Cub. Soichiro Honda voulait un moteur 4 temps de 50 cm3, sobre et silencieux, et qui développe au moins 4 chevaux, parce que les montagnes japonaises avaient des routes en mauvais état et qu’il fallait ce niveau de puissance. Or, à l’époque, Honda faisait aussi un petit 50 2-temps qui ne développait qu’un cheval. Décision fut prise de placer le moteur horizontalement pour faciliter son refroidissement et les ingénieurs parvinrent à sortir 4,5 chevaux à 9500 tr/mn, le tout, on le découvrira plus tard, assorti d’une fiabilité métronomique ! Toujours à cause des mauvaises routes japonaises, Honda avait d’abord pensé le Cub sur des roues de 21 pouces… avant de réaliser que la corpulence du japonais moyen avait du mal à poser les pieds au sol. Un prototype fut donc réalisé avec des roues de 17 pouces (l’anecdote dit que ce furent des pneus de 18 coupés et « recousus » !) car personne ne fabriquait alors de pneus de 17 pouces dans ces dimensions au Japon ! De même, le guidon est fait d’une pièce de tôle pressée et Honda a aidé un fabricant de plastique à mettre au point des moules et une résine de polyéthylène pour l’habillage : un matériau souple, résistant et incassable. Enfin, l’engin se destinant à tous, il fallait des couleurs attractives : le designer, Kimura-san, s’est, dit-on, inspiré du boss en personne, qui portait souvent des chemises rouges et qui roulait dans un cabriolet rouge, pour en habiller la selle, qui contraste à merveille avec le bleu des premiers exemplaires.
S’occuper d’abord des plus grandes difficultés
Le premier Cub sort des chaines en août 1958. Dans les 5 derniers mois de cette première année de commercialisation, il s’en vendra 24 000. Ensuite, la croissance est exponentielle : 167 000 en 1959, 564 000 en 1960, la barre des 5 millions est franchie en 1966, au bout de 8 ans de commercialisation. Dès 1960, Honda construit une nouvelle usine à Suzuka et dès 1961, la stratégie d’exportation débute. Et Soichiro Honda a un principe : quand plusieurs problèmes se posent à vous, il faut d’abord commencer par le plus difficile. Et c’est ainsi qu’il aborde le marché américain, deux ans après avoir créé une filiale à Los Angeles. Contre toute attente, le succès est immédiat. Le prix modique du Cub (295 $ pour un engin un peu modifié pour le marché US, car vendu d’abord en rouge à selle biplace) fait que de nombreux ados en reçoivent pour aller au lycée, tandis que la civilisation des loisirs, déjà en place, fait que les américains collent le Cub à l’arrière d’un pick-up ou d’une caravane et s’en servaient comme un complément de mobilité. En 1961, Honda en vend 12 000 ; puis 40 000 en 1962, 200 000 en 1964. Le Cub devient un objet mythique aux USA, au point qu’en 1964, les Beach Boys lui consacrent même une chanson : « Little Honda » !, que l'on vous propose de regarder ci-dessous !
Une communication innovante
Soichiro Honda insistait sur la grande facilité de conduite du Cub, en prenant un exemple : pour lui, il fallait qu’un livreur de soupes de nouilles puisse le conduire d’une main. De fait, les premières campagnes de publicité montrait un livreur de soupes de nouilles extatique avec son (bouillon) Cub ! Puis, Honda a rapidement évolué et a positionné le Cub comme un engin d’émancipation, en insérant des publicités dans des magazines féminins, ce qui ne s’était jamais fait, s’agissant d’un deux-roues motorisé. La force de Honda est d’avoir rendu désirable un engin engin asexué, dénué de toute notion de paraître ou de performance, juste apprécié pour son côté pratique, sa facilité, sa fiabilité. Le coup de maître viendra de la campagne de publicité américaine lancée en 1963 : intitulée « you meet the nicest people on a Honda » (vous ne rencontrez que des gens chouettes sur une Honda), elle a fait grincer des dents les autres constructeurs qui, par extension, n’avaient pas des clients sympathiques. Cette campagne a fait beaucoup dans la réussite de Honda aux USA. Et c’est aux USA que l’on voit certaines des déclinaisons les plus amusantes du Cub, comme la version Trail, le modèle Hunter (quasiment un scrambler), des kits « roadster » où un faux réservoir central le fait presque passer pour une moto…
Et l’Asie se développe
Dans la seconde partie des années 60, Honda prend le relais en Asie du Sud-Est, où le deux-roues motorisé commence à devenir un moyen de locomotion plus populaire. Parfois, le succès est du à un coup de billard à deux bandes, à un revers de l’histoire : si le Cub est très populaire au Vietnam, par exemple, c’est qu’une grande partie des 2,6 millions d’américains qui ont occupé ce territoire en ont acheté (il ne valait que 300 $, et 750 000 Cub ont été importé au Vietnam entre 1967 et 1969). Au retrait des américains, les locaux se sont retrouvés avec des quantités astronomiques de Cub qu’ils ont continué à faire rouler. Aujourd’hui, c’est l’Indonésie qui est le premier pays pour les Cub ; certaines années, il s’en est vendu 5 millions d’exemplaires !
Long is the road ((c) J-J Goldman)
Il faudrait remplir un livre pour pouvoir énumérer toutes les versions et déclinaisons du Cub. Sur le plan technique, toutefois, il n’y a pas eu d’évolutions gigantesques. En voici un rapide (et non exhaustif) aperçu :
- 1960 : passage d’une magnéto à un allumage à bobine
- 1963 : moteur 90 (86,7 cc)
- 1965 : moteur 70 (63 cc)
- 1966 : le C50 change les cotes de son piston : de 40 x 39 à 49 x 41,4 mm
- 1982 : allumage CDI
- 1986 : moteur 100 pour l’Asie du Sud Est
- 2007 : allumage PGM-FI
- 2017 : version anniversaire, feux à LEDs, boîte 4…
Par contre, il y a eu plein de versions, évidemment. Là encore, impossible de toutes les mentionner. On parlera quand même, par plaisir, des modèles Deluxe (lancés dès 1971, avec un démarreur électrique et des poignées chauffantes pour certains), des modèles utilitaires demandés par telle ou telle administration (de la poste australienne à la confédération des livreurs de journaux japonais), du Little Cub avec ses roues de 14 pouces, du Trail, du modèle à phare carré, tellement à la mode dans les années 80 ! Aujourd’hui encore produit dans 16 usines réparties dans 15 pays (en Asie, principalement, mais aussi en Amérique latine et au Nigeria), le Cub poursuit sa carrière. Ou s’arrêtera t’il ? 110, 120, 150, 200 millions ? Qui sait…