Alors que Triumph vient de lancer sa 1200 Speed Twin millésime 2019, intéressons-nous à celle qui fut son ancêtre, qui apporta une sacrée touche de modernisme en 1938… et qui fut produite pendant 26 ans ! On souhaite la même longévité à la nouvelle…
Quel est l'archétype de la moto anglaise classique ? Parions sur le vertical twin et dans l'histoire de la British Motocyclette, si la Triumph Speed Twin (la 2019 est là !) ne fut pas la première du genre, c'est très certainement elle qui pose les bases de ce type spécifique de moto. Petit rappel historique : dans les années 30, Triumph a une gamme de motos assez large ; la clientèle les trouve robustes et fiables, mais elles manquent peut-être un peu de sex-appeal. L'avenir de la marque changera grâce à l'impulsion d'un seul homme : Edward Turner.
Turner, sa vie, son oeuvre...
Dans les années 20, Turner tient un petit bouclard de mécanique dans lequel il bosse tout seul. Passionné de technique, il conçoit un moteur à quatre cylindres et fait le tour du milieu. Personne n'en veut : l'Angleterre met la priorité sur la production de motos économiques et abordables. Personne sauf chez Ariel, où on lui confie en 1928 un job de desssinateur industriel, et Turner pose les bases de ce qui deviendra la célèbre Ariel Square Four. Edward Turner passe ensuite chez Triumph en 1936 : il relooke la gamme et abat une carte, dont l'histoire retiendra qu'il s'agit d'un coup de génie. Conçue en à peine plus d'un an, la 500 Speed Twin est une machine moderne : par rapport à la concurrence de l'époque, principalement composée de monocylindres 500, la Speed Twin n'est pas plus large ni plus encombrante, son moteur n'est pas réellement plus gros (tout en étant plus performant avec ses 27 chevaux), elle se paye le luxe d'être souvent plus légère (elle ne fait que 155 kilos) et ne coûtait que 5 £ de plus. Avec le recul, on constate aussi que son moteur était en fait inspiré d'un demi bloc d'Ariel Square Four, comme quoi Turner recyclait ses bonnes idées. Turner avait conçu un embiellage à 360°, faisant monter et descendre les pistons en même temps, mais chacun sur un cycle différent (l'un en compression, l'autre en échappement). C'était un moteur particulièrement compact pour son temps.
Produite pendant 28 ans, un record !
Certes, pour être totalement exact, la production de la Speed Twin n'a pas eu lieu entre le 14 novembre 1940 (nuit où les bombardements allemands ont détruit l'usine de Coventry) et mi 1946 ; néanmoins, de septembre 1937 à fin 1966, la Speed Twin est restée au catalogue, de menues évolutions lui permettant de rester concurrentielle (même face à des motos des années 50 telles que la Gilera Saturno ou la Moto Guzzi Falcone Sport), ce qui indique à quel point elle était bien conçue. Elle a évolué de manière quasiment constante, pour se maintenir dans l'air du temps. On note ainsi l'apparition d'une fourche télescopique en 1946, d'une suspension arrière optionnelle en 1947, d'une refonte esthétique en 1950 (avec une nacelle de phare qui intègre les compteurs, une selle redessinnée et un réservoir souligné de quatre barrettes, un élément de design "streamline" que l'on retrouvera plus tard sur les Yamaha Star). En 1952, la magnéto est remplacée par un alternateur et un système d'allumage batteries / bobines en provenance de chez Lucas, un nouveau cadre avec un bras oscillant arrière arrive en 1955, le controversé look "bathub" (baignoire) fait son apparition de 1957 à 1963. Un nouveau moteur avec boîte de vitesse intégrée est monté en 1959.
De multiples qualités
La 500 Speed Twin a survécu aux extensions de gamme, quand le marché américain a commencé à demander des machines de grosses cylindrées, conduisant Triumph à produire les 650 Thunderbird (1950) et 650 Bonneville (1958). La Speed Twin s'est rapidement dédoublée en une version plus performante, la Tiger 100 de 1939, qui, avec des cames plus pointues et un taux de compression plus élevé, atteignait la barre symbolique des 100 mph (160 km/h). Pas mal pour une 500 !
La 500 Speed Twin n'a pas que duré, car elle était aussi assez facile à entretenir et se destinait à des motards au budget serré : elle a totalement inspiré une nouvelle génération de vertical twins anglais, apparus dans les années 50, telles que les BSA A7, par exemple. La 500 Speed Twin sera le premier vertical twin anglais produit en si grande quantité. Puisse celle qui en reprend le nom être l'objet d'un tel destin !