Elle fut l’une des principales nouveautés des salons Intermot de Cologne et du Mondial de la Moto à Paris : la Suzuki Katana remet Suzuki sur le chemin des marques désirables et, contre toute attente, démontre que le néo-rétro peut s’accommoder d’une belle dose de performances. En attendant de pouvoir rouler sur la nouvelle, que l’on n’annonce pas avant avril 2019, voici de quoi se rappeler la généalogie du modèle.
Savoir-faire et faire savoir !
En 1976, Suzuki passe au 4-temps, après avoir séduit les motards par sa famille de 2-temps (les GT 380, GT 550 et la fameuse « bouillotte », la GT 750) : bienvenue à la génération des GS, qui commence simultanément par les GS 400 (bicylindre en ligne) et GS 750 (quatre cylindres en ligne). Mais si les GS sont unanimement reconnues comme de bonnes motos, leur ligne (notamment celle des GS 850 et GS 1000) est aussi considérée comme étant un peu mièvre par rapport à la concurrence, même si celle-ci est un peu en retrait techniquement (notamment Honda et sa CB 750 qui commence à être un peu datée).
Résultat des courses : les Suzuki GS sont de bonnes machines, capables de succès sportifs (la GS 1000 a gagné la course de Superbike à Daytona et les 8 Heures de Suzuka 1978, tout comme le championnat AMA de Superbike US en 1979 et 1980 avec Wes Cooley), mais les ventes ne sont pas à la hauteur des attentes de la marque. Il faut donc, comme on dit, un choc de compétitivité !
Le sabre qui fend le vent !
Le projet est posé dans les mains de Suzuki Allemagne qui débauche Hans Muth, ancien chef du style chez BMW, qui a pour objet de faire la moto la plus rapide de son époque. Pour comprendre les éléments du contexte et ce qui se passe dans la tête de Hans Muth, il faut savoir qu’il a non seulement dessiné la BMW R 90 S, mais qu’il a été aussi confronté à des recherches sur le design chez BMW, avec notamment la Futuro. De fait, les lignes tendues et les formes aérodynamiques, il connaît un peu. La Katana sera d’ailleurs étudiée en soufflerie, ce qui explique son allure élancée et son « bec de canard » à la base du carénage avant. Muth et deux de ses comparses produiront deux prototypes : la ED-1 (pour European Design), dotée d’un moteur 650, et la ED-2, capable d’intégrer un bloc 16 soupapes de 750 à 1100 cm3. Les traits semblent avoir été acérés par un sabre, d’où le nom, probablement.
C’est le prototype ED-2 qui fut exposé au Salon de Cologne en 1979, et à la surprise générale, un an plus tard, trônait sur la même moquette une machine vraiment proche de l’étude de style, si l’on excepte la petite bulle, les silencieux (qui restent cependant noirs) ainsi que quelques petites touches de noir sur le garde-boue avant et des caches latéraux, sous la selle. Même le tabeau de bord est original, avec des aiguilles qui bougent en sens contraire sur un fond bleuté. Pour Suzuki, la rupture est radicale ! Le dessin mièvre des GS se fait oublier, même si le design de la Katana, présentée par beaucoup de médias d’alors comme une machine très futuriste, n’en est pas moins clivant. On aime ou pas, c’est sûr, la Katana ne laisse pas indifférent.
Sur le plan mécanique, c’est moins audacieux, mais néanmoins éprouvé : Suzuki continue de valoriser son 4 cylindres à double arbre à cames en tête et quatre soupapes, mais porte la cylindrée à 1074 cm3, ce qui fait que la Katana 1100 développe 111 chevaux, tout en bénéficiant d’une nouvelle culasse TSCC (Suzuki Twin Swirl Combustion Chamber, soit avec un double flux dans la chambre de combustion). Le cadre et le reste de la partie-cycle sont eux aussi éprouvés, proches de ceux de la GS 1100.
Une vraie bête !
A cette époque, une grosse moto, eh bien… c’est une grosse moto dans tous les sens du terme : 237 kilos à sec, un gabarit généreux, un moteur qui dépote et une vitesse de pointe qui frôle les 220 km/h chrono. A l’époque, on disait de la tenue de route qu’elle demandait de la poigne ; aujourd’hui, elle demande surtout de la circonspection ! On regardera avec horreur le fait qu’elle avait une roue de 19 pouces à l’avant et des étriers de frein à simple piston ! La position de conduite était radicale, avec de véritables guidons bracelets implantés très en avant. Ce n’est pas tout : ceux qui l’ont essayée se plaignaient d’amortisseurs vraiment raides (Suzuki s’en défendait en expliquant que c’était pour ménager la garde au sol, au vu de la largeur du quatre-cylindres) et de vibrations mal filtrées dans les guidons et les repose-pieds. En revanche, la stabilité à haute vitesse faisait partie de ses qualités, tout comme le coffre du gros moteur !
Le cycle de vie des nouveautés était court à l’époque et la Katana n’aura pas une si longue vie sur nos marchés européens. Suzuki lui a rapidement opposé une concurrence interne avec les 1100 GSX E et EF, tandis que les amateurs de superbikes étaient rapidement tentés de jeter leur dévolu sur la nouvelle Honda CB 1100 R qui, dès 1982, offrait plus de chevaux et un châssis plus affûté. Et puis, rapidement, les vraies supersportives sont apparues, et les goûts ont changé. Il n’empêche que la Katana a toutefois fait l’objet d’un véritable mythe dans son pays d’origine, où elle fut produite jusqu’en 2001.
Est-ce que la nouvelle Katana, produite sur une base de GSX-S 1000, aura une carrière aussi longue ?
Le mythe de la E27SZX !
Attention, on est ici dans l’anecdote qui se partage entre initiés sur un coin d’établi : à la demande du marché néo-zélandais, une version spéciale de la 1100 Katana a été proposée par l’importateur en 1982, appelée E27SZX, qui consistait en une préparation pour la rendre plus performante. Les arbres à cames venaient de chez Yoshimura, des durits de frein tressées équipaient la moto, des carburateurs modifiés par Mikuni ainsi que des échappements au diamètre plus grand amélioraient les performances, tandis que des roues à rayons (!) plus légères faisaient progresser la maniabilité. Bonne chance pour en trouver une !
La Suzuki Katana en dates :
1979 : le prototype ED-2 est présenté au Salon de Cologne. Devant le succès populaire, Suzuki décide de la produire en série.
1980 : la Suzuki 1100 Katana (aussi appelée GSX 1100 SZ en interne) est dévoilée au Salon de Cologne dans sa version définitive. Elle entre en production en fin d’année.
1981 : débuts commerciaux de la 1100 Katana, donc ; au Japon, la GSX400F en reprend les grands traits de design. En fin d’année, Suzuki en fait une version 1000 pour l’homologation en compétition (par réduction de l’alésage de 2,6 mm). Les 550 et 650 Katana apparaissent également, en version roadster, dotées d’un phare rond.
1982 : La 750 Katana sort pour le marché japonais. Il s’agit globalement d’une 1100 équipée d’un moteur de GSX 750, et une roue arrière plus large. La GS 125 E se dote d’un réservoir dont les lignes ressemblent beaucoup à celles de la Katana. La GSX 1100 E entre au catalogue pour les réfractaires au design et aux caractéristiques sportives de la Katana. Sur les marchés américains et canadiens, la Katana est commercialisée en 1000 (108 ch).
1983 : Dernière année de commercialisation pour la 1100 Katana en Europe tout comme pour les 550 et 650 Katana ; on reconnait ce millésime à quelques détails (design des roues qui passent de six bâtons à trois bâtons dédoublés, et des repose-pieds, quelques motifs sur la couleur avec notamment un liseré bleu sur le réservoir), tandis que la 650 Katana se dote d’un petit capot de phare au design un tantinet pointu). Au Japon, la 750 Katana se dote d’une roue de 16 pouces à l’avant.
1984 : Une nouvelle Katana 750 arrive encore au Japon, avec un phare avant rétractable ; quelques modèles auront été officieusement importés en Grande-Bretagne. La 1100 Katana passe en rouge, pour le marché japonais, mais conserve son « ancienne » partie-cycle, contrairement à celle de la 750.
1985 : l’arrivée de la GSX-R 750 signe l’arrêt des Katana sur les marchés européens.
1986 : fin de la 750 Katana sur le marché japonais.
1987 : Une série limitée de 500 exemplaires, rouge à cadre rouge, est réservée au marché japonais.
1988 : drôle d’idée ! L’importateur américain baptise « Katana » les mièvres GSX-F 600 et GSX-F 750 !
1990 : Suzuki relance une série, numérotée à 200 exemplaires, de 1100 Katana pour le marché japonais.
1991 : nouvelle série limitée de 200 exemplaires pour le marché japonais. Le Japon se dote également de 250 et de 400 Katana.
1994 : arrêt de la production des 250 et 400 Katana. Une nouvelle 1100 apparaît pour le marché japonais, avec des freins plus modernes et un moteur limité à 95 chevaux. Le compteur de vitesse marque 180 km/h maxi, et plus 240 km/h comme par le passé. Le réservoir passe de 22 à 19 litres et la roue arrière, curieusement, passe en 19 pouces, comme à l’avant.
2000 : production du modèle « final edition », que l’on reconnait à son moteur noir.
2001 : arrêt de la production de la 1100 Katana.