Quand on visite un salon comme celui de Milan (je déteste le mot Eicma, désolé) on voit des motos parfois splendides et on s’intéresse très vite à la fiche technique. Perso j’avoue tomber raide devant une Brough Superior… A Moto Légende, une moto nous raconte d’abord une histoire, on demande souvent la date de sortie et le seul élément technique parfois intéressant est la puissance… Et encore. Bref, on n’y va pas dans le même esprit. Nos lecteurs les plus jeunes ne pigeront pas forcément certains des émois que me flanquent certaines de ces motos, les histoires, elles, sont toutes réelles et vécues… En fait c’est exceptionnel aussi, ce papier ne contient que des brèves, pas de sujet du jour même s’il y a encore des coups à donner !
Le plus grand rassemblement européen…
Le mot rassemblement évoque des évènements célèbres comme les Eléphants, alias « les Elephs » qui étaient une sorte d'initiation au statut de motard, on se rendait en Allemagne en plein hiver, affrontant un froid très intense (moins 20 et même pire) et parfois la neige... je trouve que ça lui va bien le mot de rassemblement c'est certes un salon mais l'ambiance y est particulière. Il y a un paquet de stands, inutile de chercher combien vous ne les ferez pas tous et nous n'en auriez pas le temps, en revanche c'est très complet, tous les fantasmes des vrais motards sont là. A tout seigneur tout honneur, il y a un très beau stand d'accueil, monté par l'organisation donc, concernant les motos d'avant-guerre, où ma préférée a été une Alcyon SS de 1929, le propriétaire était là et on a discuté un bon moment. Le moteur est un Zurcher (c'est suisse et je ne connaissais pas, apprendre, même à mon âge, c'est toujours une passion) de 250 cc, il y 3 vitesses qui se passent à la main sur le côté, chic absolu, il a passé quatre ans à la restaurer et n'a pas compté ses heures, il serait devenu fou. Bref, du travail d'art et une moto émouvante.
Les flics : Une superbe idée et peut-être une connerie
Le MotoClub de la Police Nationale a un stand et c'est une bonne idée, d'abord ça permet de se parler sans avoir la pétoche du PV et ce sont des fans de moto, doués en plus, qui donnent aussi des cours à des motards peu expérimentés car le club n'est pas réservé aux membres de la rousse. Outre que ça permet de se faire des relations difficiles à mettre en place autrement, on est dans un monde très branché de la moto, qui fait des tas de sorties sympas où forcément on apprend aussi les bonnes trajos...
En revanche, dehors, un camion est venu enlever des motos devant le salon, quand mon ami Didier est passé il n'y en avait qu'une sur le plateau, quand je suis parti il y en avait six. Je n'ai pas vu à cet endroit d'interdiction de stationner et depuis des siècles, le public se gare là, bon peut-être que c'était devant une porte de sécurité, je l'espère en tous cas sinon c'est un coup à flinguer un salon !
Yamaha : On marche dans l’histoire…
Chaque marque de moto a ses belles histoires, Yamaha c'est carrément des légendes. Par exemple, il y a un immense stand entièrement dédié aux motos de compétition de la marque, avec des panneaux d'explication superbement faits, là il y a de l'info pour les amateurs... mais je vous l'ai dit, moi c'est l'histoire qui m'intéresse. Quand je revois la moto No 303 de Pons, une 750 OW 31 avec laquelle il a gagné les 200 miles de Daytona, on est en alors en 1979, j'ai la chair de poule. C'est une des courses les plus prestigieuses au monde. Cette victoire d'un pilote non américain est rarissime. L'année précédente il a gagné la Coupe du Monde 750 qui a été reclassée aujourd'hui comme un championnat, Patrick est donc le premier champion du monde de vitesse français... Il disparaît en 1980, mortellement blessé au GP d'Angleterre à Silverstone. Bref une véritable légende et il est là sous nos yeux... Larmes de joie, larmes de tristesse, émotion évidente... Bonne idée, une des motos de Fabio Quartararo en version 2021 figure aussi sur ce stand.
Pas loin, sur le stand Gérald Motos, un des plus grands collectionneurs de motos de compétition au monde, on trouve la Yamaha 250 TZ de Jean Louis Tournadre, qui a donc été le premier champion du monde français en 250 et même toutes cylindrées confondues jusqu'au reclassement du 750 en véritable championnat. On est en 1982, Jean Louis est un pilote privé, qui court avec l'aide de son père et celle de Primagaz (le responsable de la pub, Jacques Petitjean, était un homme merveilleux). Un privé champion du monde de vitesse moto, c'est plus rare qu'un Romanée-Conti de mon année de naissance !
Enfin, là je suis parti en extase, il s'agit d'une collection privée d'un Lyonnais mise en œuvre par Yamaha sur Moto Légende, on trouve la totalité de l'histoire de la mythique XT 500, probablement la moto la plus célèbre et la plus fantasmagorique de toutes... C'est un gros trail monocylindre (pas forcément facile à démarrer d'ailleurs, il y a un coup à prendre) mais il permettait, en version standard, de partir n'importe où visiter le monde. Lors de ma première randonnée dans le sud algérien (heureuse époque !) avec la Guilde du Raid, on avait monté un team Moto Revue et Eric, le red chef d'alors, avait fait la virée avec sa femme en couple sur la selle... La première édition date de 1976 (32 cv) elle est reconnaissable au tuyau d'échappement qui est en bas, qui a évidemment par la suite été remonté pour augmenter la garde au sol car justement, en tout terrain lointain ou en balade en forêt, de ce côté il y a parfois de grosses surprises (des arbres couchés à sauter par exemple...) Bref merci à Yamaha et au collectionneur dont les motos sont dans un état mieux que neuf...
Souvenir souvenir… La Honda 350
Elle est sur le stand Roule toujours (spécialisé dans les pièces BMW) et date de 1971 elle est dans un état magnifique, elle me rappelle cet ouragan qu'a été l'arrivée des motos japonaises sur un marché européen, à part l'Italie, totalement mort. C'était évidemment un petit modèle, comparé aux CB 750 quat'pattes et à la sublime Kawasaki H2 mais le rêve du Nil commence à sa source... Pas à Alexandrie ou à Louxor.
Socovel, merveilleuse Belgique !
Les collectionneurs vous attendent sur ce stand démentiel. On dirait des Vespa archi bricolées ou faites par des gamins sans le sou, pas du tout. L'histoire remonte à la guerre, on est en 1941, la Belgique n'a pas de charbon et on décide donc de fabriquer des engins utilitaires à moteurs électriques ! Avec des dynamos de camions ! Monsieur Campion est sur le stand, il est intarissable sur ces véhicules. Ce sont parmi les objets les plus ahurissants de ce Moto Légende 2022, ne le ratez pas, le stand s'appelle Socovel.
Hydral, déjà un trois roues et capoté en plus…
C'est l'anagramme du fondateur, Mr Lardy. La société était basée à Suresnes et a fabriqué plus de 60 000 moteurs de 125 et 175 deux temps dont celui qui est monté sur ce tricycle beau comme un dieu (photo d'époque) dont le propriétaire est sur place et affirme se servir tous les jours ! C'est donc un moteur 175, avec trois vitesses plus une marche arrière, l'ensemble a été construit en 1956. Je trouve à ce trois-roues dont le toit rigide s'ouvre par le côté un aspect inoubliable. Je vous ai parlé en titre de coups de cœur, c'en est un et un sérieux !
Peugeot 103 : Oh les filles, Oh les filles…
J'emprunte ce titre au groupe « Le bonheur des dames ». On est en 1973... Tiens, pour les addicts : https://www.youtube.com/watch?v=5Ie0M27aCl8 parce que l'insouciance de ces années bénies y est en entier. Or quand j'étais au lycée, la mob était évidemment un rêve (mes parents n'ont jamais voulu me laisser en faire, comme par hasard j'ai fait carrière en grande partie dans la moto...) les filles roulaient sur cette mobylette Peugeot. Quand on sortait le dimanche en grandes balades dans les beaux endroits autour de St Maur des Fossés, ma commune de jeunesse, elles avaient la gentillesse, dans les côtes, de proposer leur bras aux garçons qui étaient à vélo... Voilà aussi sans doute pourquoi j'adore les filles qui font de la moto et je hais le vélo... la seule vue de cette mob m'a replongé dans un univers de diabolos menthe ou grenadine, de cours séchés en jouant au flipper, de drague considérée comme réussie quand on s'embrassait au coin des lèvres, de surboum où les danseurs de rock étaient les plus recherchés. Tout ça dans une mob ? Et oui, tout ça...
Solex chic et vroom !
Le Vélosolex a été un symbole de libération dans les lycées mais surtout à la campagne ou en bordure de mer car il permettait de rentrer tard sans se faire ni agresser ni engueuler... Et aussi d'aller plus loin que le vélo, j'ai des souvenirs de courses dans le sable sur les plages de Belle Île en mer (en hiver of course) qui valaient largement le dirt US ! Un stand est spécialisé dans cet engin, il propose par exemple un Solex complètement préparé pour la course de vitesse (même les 80 de Nieto m'impressionnaient moins !) mais aussi un très chic modèle Roland Garros (tout de vert anglais bien sûr, photo en ouverture de reportage) qui date de 1998. Très étonnant encore ce stand...
Le stand Team Ago et Fau
C'est un stand où tout ce qui a trait à Ago est vendu, photos, parfois dédicacées, livres en plein de langues différentes, tee shirt spécialement faits pour les 80 ans du champion le plus capé de la planète moto de vitesse. Il y a aussi de très beaux tee shirts « Jarno » évidemment dédiés à cet immense champion qu'a été Saarinen. C'est un endroit très nostalgique... le même stand accueille Bernard Fau, ex pilote de GP reconverti dans le cinéma, qui est d'ailleurs d'une expertise terrible sur tout ce qui a été produit de sublime dans ce domaine, qui présente ses deux longs métrages « Il était une fois le Continental Circus » et « Johann Zarco », l'audace d'un champion ». Bernard est là, intarissable, il connaît tout de la moto moderne et du Continental Circus auquel il a participé comme pilote...
Les Tontons scooters
Encore un truc bien vrillé comme on les aime... Trois véhicules à mettre dans son salon tellement c'est beau. Mais si on veut rouler dans la rue et augmenter encore le trafic urbain parce que tout le monde va s'arrêter pour regarder, on vous propose un modèle pour l'instant unique, il a été construit à dix exemplaires mais pour l'instant un seul a été localisé. Un 125 Loiseau (photo ci-dessus). Il y a également un Peugeot de 1937 et deux merveilles allemandes, deux Heinkel 175, à ne rater sous aucun prétexte...
Le Rumi, le Riva du scooter chicos…
Là, retour au lycée. Le Riva au fait c'est ce superbe canot automobile en acajou que l'on voit encore dans les ports un peu friqués de méditerranée... Le Rumi c'était un peu ça. Les filles avaient des Peugeot, je l'ai dit, les mecs avaient des Motobécane bleues plus ou moins trafiquées, les fils de riches avaient des Rumis. Ce Formichino doré se trouve sur le stand Rumi. Il était fabriqué à Bergame, un des berceaux des sports mécaniques italiens, le bijou est en carrosserie en alu autoporteuse, le moteur était un bicylindre deux temps (carbu Dell'Orto) et c'était une bombe qui faisait un bruit strident inoubliable.
Clap de fin: Sac à main Crom'
Voilà je voudrais terminer par un clin d'œil. C'est sur un stand tenu par une femme qui ne vend que sur les salons, il faudra donc vous dépêcher ce week end. Ses articles sont tous au féminin. J'y ai vu ce sac étonnant, en forme de Cromwell avec lunettes intégrées, c'est un cadeau formidable à faire à une fiancée qui aime bien ce qui est original ou à nos chères lectrices, ce cadeau offrez le vous, vous n'en verrez pas d'autre. Il coûte 79 euro, il y a d'ailleurs un autre sac en forme de guitare électrique qui vaut le même prix.
Bref, ce Moto Légende est à devenir fou, mais c'est tellement bon. C'est au parc floral du château de Vincennes, faites gaffe où vous garez la moto et laissez vous aller à un monde sans rien d'autre que l'envie...