Cette semaine, j'ai essayé une Moto Guzzi 1000 SP de 1978. Je vous explique pourquoi cette moto est importante.
Fut un temps où une grande partie des motards roulait vraiment. Voyages, vacances, concentrations, rassemblements divers, ça taillait la route par tous les temps. Moto Guzzi décide de répondre à cette clientèle avec cette 1000 SP, qui revendiquait deux atouts majeurs : un carénage étudié dans la soufflerie de Mandello, et surtout un freinage intégral repris de la 850 T3. Ca, c'était vraiment génial : grâce à un circuit dédoublé (la pédale de frein commandait aussi le disque avant gauche), la force de freinage était mieux répartie (en gros : 70 % sur l'avant, 30 % sur l'arrière) et des tests menés par des médias montraient qu'à la vitesse diabolique de 100 km/h, la 1000 SP s'arrêtait en 44 mètres quand la concurrence en demandait 60. Seize mètres d'écart : un autobus ! On sera moins dythirambique sur le fameux carénage "étudié en soufflerie", avec des remous d'air sur le ventre et, quand il pleut, de l'eau qui vous remonte directement sur le menton. Par contre, il est efficace : la vitesse de pointe était quasiment la même en position assise ou "couchée".
Moto Guzzi 1000 SP : sa vie, son oeuvre
La Moto Guzzi 1000 SP a été produite pendant une décennie, de 1978 à 1987, avec assez peu d'évolutions techniques. Sur le plan cosmétique, par contre, Moto Guzzi a fait évoluer son apparence. En 1980, la SP devient NT (nuovo typo) avec des silencieux plus efficaces et une selle plus épaisse. En 1984, la SP évolue en SP2, qui est un assemblage assez peu convaincant, et sa carrière sera d'ailleurs en demi-teinte. Guzzi joue au puzzle et cette SP2 reprend la fourche rallongée de la California, ce qui dégrade d'ailleurs le comportement routier de l'engin, avec en plus une improbable roue avant de 16 pouces (c'était la mode !).
En 1988, la SP3 rompt la lignée : nouveau carénage intégral fixé au cadre, phare rectangulaire, allumage électronique, carburateurs de 36 mm, moteur porté à 71 chevaux. Mais au même moment, la montée en puissance des BMW K 100 LT et Kawasaki 1000 GTR mettent un coup de vieux à cette Guzzi, pourtant pleine de charme...
A son lancement, la 1000 SP était une moto chère : 25050 F en 1978, à comparer aux 22000 F d'une plus puissante Yamaha 1100 XS ou aux 15900 F d'une Honda CB 750 K7.
Moto Guzzi 1000 SP : 3 choses qui m'ont fait kiffer
Une grosse Guzzi, ça a quelque chose d'intemporel : deux cylindres qui pointent vers le ciel, une sonorité pleine et atypique à la fois, des aptitudes routières rarement démenties. Pourtant vieille de 32 ans, cette 1000 SP dévoile un joli caractère. Voici trois choses qui m'ont fait kiffer...
- J'ai adoré le côté absolument kitsch de l'instrumentation : son gros tableau de bord noyé dans un bloc de plastique noir, les compteurs à fond bleu, les voyants colorés. Ca fait tellement seventies ! Bizarrement, il manque quand même une jauge à essence même si avec 24 litres, on a le temps de voir venir...
- Le moteur, l'air de rien, possède tout le bon caractère que l'on attend d'un gros Guzzi. De l'inertie, certes, mais une sonorité grave, de la rondeur, de la consistance dans les mi-régimes, de l'allonge, une flexibilité qui fait que l'on économise volontiers les changements de rapports. C'est typiquement le genre de mécanique avec laquelle on a envie de rouler !
- Certes, elle est lourde (en réalité, pas tant que cela - 211 kilos à sec, on a vu pire) mais son inertie lui donne un côté "cheval de fer". C'est pas la reine de l'épingle de montagne, mais sa stabilité est sans faille, son freinage est bon. Dommage que la position de conduite soit un peu bizarre avec le guidon un peu bas (si elle visait à concurrencer la R 100 RT, sa position de conduite était plus celle d'une R 100 RS), mais la garde au sol est bonne. Une machine qui ne fait pas d'esbroufe, mais qui permet de se faire de grosses journées de route sans arriver rincer... et sans se trainer non plus.
Une Moto Guzzi 1000 SP aujourd'hui : combien, comment ?
Problème : une 1000 SP, ça a souvent vécu, ça a fait des tours de compteur, ça a régulièrement été attelé à un side-car. Un gros kilométrage ne doit pas faire peur (ma moto d'essai avait 255 000 km et roulait super bien), mais l'entretien devra être démontré ; la clientèle de ces engins, en général, sait faire les choses et est soigneuse. Côté faiblesse, guides de soupapes, roulements, jeu de transmission sont à voir de près. On recommande une vidange tous les 4000 km. Le circuit électrique peut lâcher. Les pièces mécaniques sont trouvables, celles cosmétiques, beaucoup moins. Pour une belle 1000 SP, envisagez de lâcher 4000 euros, mais attention, l'offre de beaux modèles devient rare. Fuyez celles transformées en café racer, bien évidemment.
Quelques chiffres clé :
- 2 cylindres en V, 4-temps, 948 cm3, 88 x 78 mm
- 2 carburateurs Dell'Orto, 30 mm
- 61 ch à 6500 tr/mn
- 75 Nm à 5250 tr/mn
- 210 kilos à sec
- 175 km/h chrono