Cette semaine, j'ai essayé une Laverda 750 S Formula de 2001. Je vous explique pourquoi cette moto est importante.
Ah, l'Italie. Patrie de la passion, de l'émotion, de la moto sportive. Que de pilotes, que de courses mythiques de l'autre côté des Alpes. Que de marques prestigieuses ! Parmi elles, Laverda, qui s'est illustré au tournant des années 70 par les succès de sa 750 S en endurance, notamment. La marque a ensuite tenté de continuer à faire briller la flamme jusqu'au début des années 2000. Une stratégie menée à bout de bras et, disons le aussi, à bout de souffle : la 750 S Formula est l'une des plus performantes de la généalogie, mais construite avec des moyens inférieurs aux ambitions, disons franchement que c'est une moto pour le moins complexe... Ses lignes racées et tendues à la fois masquent en effet une sacré personnalité !
Laverda 750 S Formula : sa vie, son oeuvre
Après une période de gloire dans les années 70 (avec d'abord la 750 SF, puis les trois cylindres, puis la V6 d'endurance), Laverda est ensuite en difficulté. Mais à la différence de la française, l'industrie motocycliste italienne ne meurt jamais complètement. Une petite banqueroute (1992) et puis ça repart ! Laverda repose d'abord ses efforts sur un bicylindre vertical refroidi par air et d'une cylindrée de 650 cm3, au service d'une gamme pléthorique ; roadster, streetfighter, sportive (la S). On rappellera que ce moteur est une évolution du 500 conçu en 1977, ça permettra de mieux situer la suite de l'histoire.
En 1997, Laverda fait évoluer (encore) ce moteur : refroidissement liquide et passage à 750 cm3. La 750 S a été produite de 1997 à 2001. Par rapport à la S, la Formula était une version haut de gamme, avec une livrée bicolore (orange / gris, orange / bleu ou orange / noir) quand la S était unie. Elle se distingue par ses périphériques plus haut de gamme et son moteur porté à 92 ch (en théorie 10 de plus que la S). Laverda a été revendu au groupe Aprilia en 2000, qui n'en a rien fait ; par contre, la marque avait eu le temps de développer un bloc 3 cylindres, qui a été recyclé ensuite dans les Benelli TnT et Tornado 900.
Laverda n'avait pas de complexes avec cette 750 S Formula : à l'époque, une 750 sportive japonaise coûtait entre 60 et 64 000 F ; une CBR 900 était à 73900 F et la bombe de l'époque, la Yamaha R1, vous délestait de 74990 F. Chez Laverda, tranquille, on vous affichait une 750 S Formula à 75990 F. Evidemment, les dernières en stock ont été bradées à moitié prix par la SIMA, l'importateur de l'époque, alors coutumier du fait...
Laverda 750 S Formula : trois choses qui m'ont fait kiffer
On n'en croise pas une tous les jours (d'après le Laverda Club de France - et dont on remercie le président pour l'essai !), la S Formula est rare. On en aurait environ 25 de roulantes en France. Alors quand on s'installe au guidon, quelles sont les trois choses à apprécier ?
- Déjà, le look. Si elle n'a même pas vingt ans, cette moto est délicieusement kitsch : entre les coloris, le double optique, le décrochement horizontal de la base du carénage, le dosseret de selle tout carré, on est clairement dans la sportive rétro.
- La qualité des composants est au rendez-vous : fourche inversée Paioli et amortisseur de la même marque, réglables dans tous les sens, freins Brembo, échappement Termignoni avec sorties en carbone, jantes Marchesini, ça devrait être la recette d'un comportement au poil.
- Et c'est le cas : le châssis a été dessiné par Nico Bakker (qui précisera ensuite n'avoir jamais été payé) et côté précision de conduite, on n'est pas déçu. Sans surprise, la position de conduite est dans le genre radicale, et ça braque encore moins qu'un TGV. Penché en avant, les bras loin devant, on n'a qu'une envie, naturelle : mettre du gros gaz. En plus, le moteur s'y prête, à une réserve près : peu souple en bas, il se réveille en effet dans les tours, mais au prix de copieuses vibrations qui ne peuvent masquer l'ancienneté de sa conception. Bref, au guidon de cette moto, on cherche des grandes courbes à prendre à fond, en oubliant qu'une 750 japonaise des mêmes années, ça sortait déjà 125 chevaux...
Une Laverda 750 S Formula aujourd'hui : combien, comment ?
Bonne nouvelle : c'est pas si cher que ça. Comptez 5000 € pour un bel exemplaire, mais l'offre étant rarissime, faudra peut-être attendre un peu pour en trouver une. Par contre, sachez que même les membres du club Laverda, enfin les plus lucides, ont tendance à considerer que ce sont des bêtes à chagrin. La moto est en effet à bout de développement, et avec le recul, tout est sous-dimensionné. Entre le circuit électrique faiblard, le démarreur conçu pour les 650 (et qui a du mal à lancer un moteur plus gros), la lubrification notoirement insuffisante, le vilebrequin qui a tendance à casser avant 25 000 km, les vidanges recommandées tous les 2500 km, on peut dire que la moto demande un peu d'attention.
Quelques chiffres clé :
- 2 cylindres en ligne, 4-temps, 747 cm3, 83 x 69 mm
- injection Weber, 44 mm
- 92 ch à 9200 tr/mn
- 75 Nm à 7750 tr/mn
- 189 kilos à sec
- 240 km/h chrono