Cette semaine, j'ai essayé une BSA Rocket 3 de 1971. Je vous raconte pourquoi cette moto est importante.
Avant d'arriver chez Triumph avec la voluptueuse 3 cylindres de 2.3, le nom Rocket 3 a été donné à une BSA, marque qui était alors dans le giron de Triumph et avec laquelle elle partagea ce moteur. Ce qui n'empêche pas la Rocket 3 d'avoir sa propre identité, que l'on vous détaille ci-dessous.
BSA Rocket 3, sa vie, son oeuvre...
L'union fait la force. En Grande-Bretagne, on en est persuadé et on sent venir, dès le milieu des années 60, le péril japonais. Les British ont beau être snobs, ils sont conscients de leurs limites et notamment d'être tributaires de vieux moteur bicylindres, qu'ils font évoluer tant bien que mal, mais qui souffrent de vibrations et d'inertie au fur et à mesure que le marché américain (alors leur principal débouché) leur demande toujours plus de cylindrée et de chevaux. De fait, BSA et Triumph imaginent un nouveau bloc 3 cylindres (oh, rien de révolutionnaire : il s'agit simplement d'un bloc de Triumph 500 Tiger ouvert et élargi pour caser un cylindre de plus). Les premiers prototypes tournent en 1965, mais les Anglais détestant la simplicité, on fait en sorte que les moteurs soient produits chez BSA puis assemblés chez Triumph. Les moteurs diffèrent d'ailleurs, contre toute attente : BSA l'installe dans un cadre double bercau et on favorise le refroidissement en l'inclinant vers l'avant de 12°, tandis que ce même moteur est accroché à une épine dorsale et implanté bien droit chez Triumph. Ce moteur était bien né, en témoignent des victoires au Tourist Trophy en 1970 et un triplé à Daytona ainsi qu'une victoire au Bol d'Or en 1971. La BSA Rocket 3 sera produite de 1968 à 1972, tandis qu'avec ce même moteur, les Triumph Trident T150 et T160 (démarreur électrique, frein à disque à l'arrière et sélecteur à gauche !) existeront jusqu'en 1976.
BSA Rocket 3, trois choses qui m'ont fait kiffer
Déjà, se retrouver sur une machine anglaise au blason mythique, à l'instar de la Birmingham Small Arms (BSA, donc), c'est toujours un moment d'émotion ! Et celui-ci est décuplé car la Rocket 3 est tout simplement l'une des meilleures motos anciennes qu'il m'ait été donné d'essayer. Voici pourquoi :
- Déjà, regardez-moi ça ! Entre le cadre peint d'un délicat gris clair, le petit réservoir goutte d'eau qui alterne le chrome et l'orange profond, le tout subtilement mis en valeur par un logo en bakélite translucide, comment ne pas tomber sous le charme de cette beauté ? Et regardez-moi le "camembert" troué qui recouvre les filtres à air des trois carburateurs ?
- Un coup de kick et ça part. Contrairement au vertical twin, le démarrage du trois cylindres en ligne culbuté (les tiges sont bien planquées dans la partie arrière du bloc) est plus simple. Et là, m'sieurs-dames, j'annonce grand moment d'émotion ! Cette sonorité est tout simplement magistrale : c'est Pavarotti qui se gratte la gorge à bas régime, c'est une Porsche 911 à mi-régime et ça tire dans les aigus comme un V12 Ferrari Colombo à pleine charge. Selon la modulation de la poignée de gaz, la Rocket 3 vous fait passer d'une petite balade à la Chevauchée des Walkyries !
- Et ce moteur est aussi bon qu'il sonne juste. Ses valeurs ne sont pas ébourrifantes (58 ch à 7250 tr/mn, 69 Nm à 6900 tr/mn), mais son caractère est magique ! Rapeux mais souple, coupleux dès le régime de ralenti, il tire le meilleur de la démultiplication judicieuse de sa boîte 4 (à droite) pour offrir une belle allonge. Comme le châssis est bien équilibré et que le freinage à tambours, s'il est bien réglé, n'est pas effrayant, on a la une moto qui vous balance des tonnes de plaisir sur le réseau secondaire.
Une BSA Rocket 3 aujourd'hui, combien, comment ?
Elle ne court pas les rues, la Rocket 3 et en trouver une propre, ça n'arrive pas tous les jours. Déjà, il va falloir se décider si vous préférez le modèle "européen" (1968 - 1970), aux formes plus carrées, ou le modèle redessiné pour le marché américain (1971 - 1972), tel celui qui illustre la photo principale, et que l'on reconnaît avec son cadre crème et son petit réservoir "goutte d'eau". Un bel exemplaire peut prétendre à quasiment 20 000 €, puisque déjà un bloc moteur seul, en état de marche, se revend quasiment 4000 €. Si vous êtes plus attaché aux sensations mécaniques qu'à l'histoire, alors une belle Triumph Trident T150 sera à vous contre de 9 à 12000 € voire près de 40 000 pour une Triumph Hurricane X75 qui, elle aussi, a eu le même bloc. Et une fois dans votre garage, on fera attention à l'état de la carburation, tandis qu'avec 11 plants de joints internes, une petite goutte d'huile baladeuse est forcément possible, voire inévitable... Sachez aussi que le cylindre central est mal ventilé, notamment en ville. Enfin, on note que 5897 BSA ont reçu ce moteur, contre 19179 Triumph T150, 7104 Triumph T160 et 1048 X75...
La moto de la semaine : Aprilia 6.5 Moto
Cette semaine, j'ai essayé une Aprilia 6.5 Moto. Je vous raconte pourquoi cette moto est importante.
Elle a subi la risée de la presse de l'époque, mais a fini par être exposé dans les plus grands musées d'art contemporain. Jolie revanche pour une marque qui souhaitait se diversifier sa gamme et probablement, faire un coup d'éclat. Aprilia veut proposer une machine simple, basique mais stylée, essentielle, en somme. Et pour cela, elle s'attache les services d'un grand nom du design : Philippe Starck.
Aprilia 6.5 Moto, sa vie, son oeuvre
Avec le recul, il faut reconnaître que le succès de l'opération fut malgré tout assez mitigée. Certes, elle a fini au musée Guggenheim de New York, ce qui n'est pas donné à la première Transalp venue. Mais entre la matière plastique abondamment utilisée, les formes douces (Starck, le designer, disait qu'il fallait rompre avec cette époque où les motos étaient composées, entre autre, "de fausses Paris-Dakar pour faux Thierry Sabine ou de fausses motos de compétition pour faux champions du monde". Pour lui, la moto devait être "le prolongement harmonieux du corps") et les coloris utilisés, assez inhabituels, la Moto heurtait le monde motard, que l'on sait un tantinet conservateur. De fait, elle n'a été produite que de 1995 à 1997, mais de nombreux invendus ont hanté le carrelage des concessions jusque dans les années 2000...
Aprilia 6.5 Moto, trois choses qui m'ont fait kiffer
Malgré le manque d'image de l'engin, se retrouver au guidon d'une Aprilia 6.5 Moto est une expérience que l'on n'oublie pas. Et voici pourquoi :
- Déjà, c'est quand même sacrément bien dessiné : entre le réservoir arrondi, le radiateur bien intégré (un peu comme la calandre d'une ancienne Bugatti) et l'échappement qui suit la courbure inférieure du cadre, c'est propre. Dans cet univers, le tableau de bord façon jouet Playskool dénote un peu.
- La position de conduite est celle d'un trail dont la hauteur de selle serait raisonnable (810 mm), la selle est épaisse, on est assis bien droit. Parfait pour la balade.
- En ville, c'est un vrai vélo. Pas très lourde, super agile, elle est efficace, d'autant que le moteur Rotax à refroidissement liquide et 5 soupapes a une bonne petite patate. Par contre, la mauvaise réputation de la tenue de route est justifiée : cette moto est dangereuse au-dessus de 130 km/h, elle est trop vive et pas stable. Les Dunlop d'origine étaient nuls, avec des Metzeler, ça s'améliore. Juste un peu.
Une Aprilia 6.5 Moto aujourd'hui : combien, comment ?
Produite à environ 5000 exemplaires, la Moto n'est pas si rare. Sauf qu'elle vieillit mal si elle est mal stockée : les plastiques jaunissent au soleil, le carburateur se dégrade avec l'inaction, les clignotants finissent par casser. Evidemment, on ne trouve plus aucune pièce d'habillage. Bref, un modèle parfait pourra prétendre à 4500 € (mais il faudra trouver LE type qui la veut), un exemplaire moyen végète à 2000 €.
Quelques chiffres clé :
- 3 cylindres en ligne, culbuté, 741 cm3, 67 x 70 mm
- 3 carburateurs Amal, 27 mm
- 58 ch à 7250 tr/mn
- 69 Nm à 6900 tr/mn
- 228 kilos à sec
- 180 km/h