Le Continental Circus était l’appellation des GP dans les années seventies/eighties, parce que la majorité des courses avaient lieu en Europe en dehors de l’Angleterre et que chez les rosbifs, tout ce qui n’est pas chez eux est « Continental », le « Circus » comme le « breakfast ».

Bernard Fau a vécu cette période comme pilote, avec des galères d’argent énormes mais aussi de beaux succès.

Il a couru avec des pilotes comme Agostini, Sheene, il apparaît dans le film « Continental Circus » de Jérôme Laperrousaz en 1972, il arrête la compétition en 1983 faute d’argent.

Il entre alors dans le cinéma et dès cette période, il a envie de faire un film sur ce moment très exceptionnel d’une vie. C’était il ya trente ans, le film sort pour le salon Moto Légende 2015 et sera disponible sur place et sur internet.

Son titre « Il était une fois le Continental Circus ». Le film est superbement tourné, monté comme un Godard, avec une illustration musicale sublime.

Il dure trois heures et on ne s’emmerde pas une seconde.

 Il mêle de façon très artistique, totalement  passionnante et très émouvante les courses appelées ICGP, organisées par Eric Saul, avec ses potes de la grande époque et sur les motos de la grande époque, Fau y roule avec des gens comme Bertin, les archives de l’INA sur les années 70/80, et des témoignages recueillis à l’époque ou aujourd’hui.

C’est bourré de trésors. Fau ne raconte pas les GP, il raconte une histoire d’hommes. Vous ne connaîtrez pas les circonstances exactes de la mort de Pons, de Saarinen, de Rougerie, de Chevallier (à l’époque il y avait au moins un mort par GP) mais vous les verrez et vous les entendrez vivants. Incroyablement vivants. Vous vivrez leur grandeur, leurs angoisses (de fric ou existentielles), leur existence parfois au jour le jour...

Rougerie par exemple, qui n’avait jamais peur de rien et dont tout le monde affirme qu’il était le meilleur, dit sa seule peur : se lever le matin à sept heures pour aller bosser en usine. Il dit sa joie après sa première victoire en GP, dont il rêvait depuis cinq ans.

Christian Sarron, lui, dit que sa carrière a consisté à dominer sa peur. Sa conversation avec Fau est, selon le réalisateur, d’ordre christique, et pour moi qui suis athée, j’ai adoré le symbole.

Pons parle de sa mort dans des mots aussi émouvants que ceux de Saint Ex.

Soili Saarinen parle de son héros de mari, Jarno, alors qu’il est encore vivant.

Les deux entretiens les plus émouvants sont finalement avec les deux symboles du bout de la chaîne des GP.

Jean Louis Tournadre, premier champion du monde français (de surcroît privé !)en 1982, un an après Pons qui a gagné la Formula 750, raconte comment il est champion du monde et abandonne l’année d’après avec zéro point au compteur et surtout zéro envie de continuer.

A l’autre bout, l’as des as Giacomo Agostini, 15 fois titré et 10 fois vainqueur du TT, plus gros palmarès existant aujourd’hui dans l’histoire de la moto et pas près d’être repris.

Emouvant le dieu vivant, quand il dit qu’il est rentré en larmes à son stand au TT, chaîne cassée dans l’avant dernier tour alors qu’il menait devant Mike Hailwood !

Emouvant quand il dit que pour un pilote en général monter sur un podium est un immense plaisir, alors que lui, quand il terminait deuxième, la presse le disait fini...

Terrifiant l’aveu d’Alain Chevallier, après la mort de son frère Olivier,  qui a laissé durant six mois la moto accidentée sous bâche, de peur de découvrir que la cause de l’accident soit une erreur de préparation.

Voilà, des moments énormes comme ça, il y en a plein.

Les témoignages de Jacques Bussillet, qui a vécu cette époque avec eux, sont magnifiques.

Les reportages de l’époque, celle du vrai Auto Moto, j’ai l’honneur  et le bonheur d’en connaître  les journalistes Dunac et Van Ryswyck avec lesquels j’ai bossé, sont plus axés sur les hommes que sur les courses mais bien sûr, on y voit les grands moments, la première de Rougerie, le titre de Pons, celui de Tournadre, la victoire de Jacques Bolle à Silverstone en 1983, la seule fois de toute l’histoire de la moto où un podium de vitesse a été totalement français.

Quelques grands témoins, Jacques Bolle justement, aujourd’hui « praize » de la FFM, Eric de Seynes, sponsor du film comme la FFM et aujourd’hui boss de Yamaha Europe, Jacques Bussillet donnent à ce film la fibre héroïque de mise dans une histoire comme celle-là.

« Faute de titre, je rêvais de devenir le premier pilote-réalisateur » dit Bernard Fau.

Pari insensé mais réussi, totalement réussi.

De l’émotion à chaque seconde, des découvertes en pagaille, de l’inédit, du profondément humain.

Bref, les dieux parlent aux hommes, c’est rare...

Pour se procurer le film, il sera en vente au salon Moto Légende, le réal pourra même le dédicacer, ou sur internet

Le prix : 42 euro le DVD, 48 euro en Blu-ray, plus trois euro de port.

Méfiez vous, vous serez tellement accrochés par le film qu’il règnera un silence incroyable chez vous.

Ce qui était le cas dans cette salle de la Bastille où a eu lieu la première, on nous a dit à la sortie de nous séparer car il pouvait être dangereux de rester en groupe, on s’est marrés car le danger, le vrai, on venait de vivre avec pendant trois heures.

Nous sommes restés sur le trottoir, heureux comme des gosses.

Faites comme nous et ne ménagez pas votre émotion, si Ago a pleuré une fois dans sa vie, on peut en faire autant !