KAWASAKI 900 Z1 : la course à l'armement

Merci la 750 Four ! Sans la sortie de la Honda, la 900 Z1 ne serait peut être jamais arrivée ! Kawasaki devait sortir une 750 4 temps 4 cylindres en 69 histoire de commercialiser la plus grosse cylindrée du monde moto. Le projet avorte avec l'arrivée de la Honda, mais la réaction n'en sera que plus belle avec la 900 Z1 quatre ans plus tard !

La Super Four

Kawasaki projet N600. A l'automne 1968 ce projet est prêt. Logiquement, ce doit être la moto la plus brillante au monde, munie d'un quatre cylindres en ligne, avec double arbre à cames en tête. De quoi s'installer comme le constructeur le plus " gonflé" du marché.

Tout est prêt pour commencer la production en début d'année 1969. Mais, consternation : au salon de Tokyo 1968, Honda présente la CB750 Four qui devient alors LA nouvelle moto la plus innovante dans le monde.

KAWASAKI repart donc au travail et décide de voir grand  : La moto sera une 1000 développant 100 CV... Mais pour assurer la robustesse moteur et en particulier le vilebrequin (monté sur roulements à aiguilles), l'équipe décide de ramener la cylindrée à 903 cm3. Du jamais vu !

Le prototype de cette nouvelle version fut terminé au printemps de 1971. Ce prototype a été très durement testé par plusieurs pilotes d'essais dont Bryon FARNSWORTH (ex journaliste de cycle magazine) , assisté par les pilotes de la marque :  Gary NIXON, Paul SMART, Masahiro WADA et Hurley WILVERT.

A l'issue de ces tests, la puissance sera arrétée à 82 chevaux ! 

Le premier modèle de pré-production a été achevé en février 1972, et il a été soumis à des essais sévères et répétés sur la route . A la suite de remaniements de l’ensemble des points faibles ( notamment la géométrie du cadre ) , le premier modèle de pré série sort en mai 1972. 

Kawasaki invite alors quelques journalistes au Japon au printemps 1972 afin de bénéficier de leurs commentaires et la machine est lancée fin 1972.

4 895 Z1 ont été produites en 1972 : 29 en mai, aucune en juin ; 20 en juillet, 101 en août ; 655 en septembre, 1345 en octobre, 1433 en novembre, 1312 en décembre.

Les ventes américaines démarrent à 1895 $  et les premières Z s'arrachent immédiatement.

Elle fut officiellement présentée en Europe au salon IFMA de Cologne en Septembre 1972. Lors de son lancement en France, le prix de vente était de 14500 FF soit  2900 FF de plus que la quatre pattes HONDA.

La Z1 apparaît en France en avant-première chez l'importateur français le 21 septembre 1972, juste avant le salon de Paris en Octobre. On l'appelle " la Super Four" ...

Du projet à la route

Qu'elle est belle cette Z1 . Moteur noir exclusif à la première version, 4 superbes pots chromés au dessin tout en courbe, un dosseret de selle dans la lignée du design Kawasaki instauré sur les 3 cylindres 2 temps, la 900 Z1 est la plus grosse, la plus puissante, la plus rapide !

C''est avec elle que la surenchère des chiffres va débuter.

L'exemplaire que nous avons emprunté pour cet essai témoigne de la qualité exceptionnelle de fabrication du géant Kawasaki Heavy Industries Ltd ( propriétaire de la marque ) : peintures deux tons en parfait état 40 ans plus tard, fonderies de moteur superbes, qualité des chromes d'échappements....la 900 Z1 était un cran au dessus de la 750 Four à sa sortie.  Une moto valorisante à souhait, grosse pour l'époque (mais petite aujourd'hui). Elle impressionne et les chiffres font tourner la tête : + 200 km/h, 12 secondes au 400 m, mais par dessus tout 82 chevaux.  Record absolu !

Le double arbre à cames réservé d'ordinaire aux motos de compétition est disponible pour tous et celà est mis en valeur par le couvre culasse alu qui tranche sur la culasse noire. Sur le cache latéral, et sur le carter moteur il y a bien en valeur la mention DOHC  pour Double OverHead Camshaft ! C'est le début des sigles barbares...

Tout a été prévu pour cette super machine, même les aspects pratiques ont été pensés : l'éclairage est surpuissant, la prise en mains facile, le dosseret cache un petit coffre, la chaîne est la plus grosse jamais fabriquée et elle dispose d'un graissage automatique.

Plus facile tu meurs !

Un coup de pouce sur le démarreur, meme pas de " klong" au passage de la première, un décolage en souplesse sur le filet de gaz, et la Z1 s'anime.

La géométrie de la Z1, la roue avant de 19, mais surtout ce grand guidon vous feront la plus belle des surprises dès les premiers mètres, cette 900 est un vélo !

Incroyable ce que cette machine est facile à prendre en mains. Elle n'a aucune tendance à tomber de l'avant comme la 750 Four, elle n'a aucune vibration,  ni bruit de ferraille comme la 750 H2, et elle est bien plus puissante que tout ce qui existe !  Très étonnante découverte.

Sous 6000 tours, on laisse la mécanique chauffer entre les voitures. La ville ne lui fait rien.  L'embrayage est  précis, il ne s'échauffe pas.  Le freinage ( simple disque ) est encore suffisant à cette allure mesurée.  Chaque rotation du poignet est ponctuée par leson de l'aspiration du filtre à air, et le son rauque des échappements . La souplesse moteur est incroyable on repart en 5ème depuis 20 km/h. Quelle élasticité !

A chaque feu rouge, la peinture et les chromes attirent l'oeil des passants. Savoir que c'est une Z1 de 73 c'est pour les connaisseurs,  mais en fait c'est bien mieux que ca !  Sa ligne de roadster et la beauté de ses lignes en font une machine intemporelle.  Ce n'est pas une moto classique ou ancienne, c'est surtout une très belle moto !

Et ca pousse !

L'horizon s'ouvre un peu, vous tournez la poignée plus largement et là les perspectives changent... Les 82 chevaux sont là, TOUS !

Avec ses 2 soupapes et des diamètres de carburateurs réduit ( 28 mm ) le moteur n'a pas besoin de prendre énormément de régimes pour  signer de grosses accélérations .Il est ultra disponible à des régimes usuels.   Il est plein, fort, puissant de manière très réactive au moindre mouvement des gaz. Chaque tour minute vous tracte.  Ce n'est pas une montée en régime de moteur creux, c'est une grosse main qui vous pousse avec une sensation de force extrème entre 6 et 9000 tours. Là on entre vraiment dans le domaine des Superbikes surmotorisées.

Sur qu'à cette époque, la Z1 a fait vieillr tout ce qui existait autour d'elle , y compris un grand nombre de Porsche et de Jaguar ...

Le tour de magie de Kawasaki c'est d'avoir concilié la puissance brute avec la facilité et l'ultra disponibilité.

Car même à rythme soutenu, la 900 est toujours aisée à emmener.  Sa partie cycle reste assez neutre, par contre son simple disque avant est totalement débordé par la manœuvre ! Seule plainte : vos cervicales, malmenées par le guidon maintenant trop haut à cette vitesse élevée !

 

Maintenant on balade, avant ...c'était la course

Aujourd'hui, avec le respect dû à son exceptionnel état, la Z1 sert plus à de la balade. A 110 on n'est même pas à 5000 tours.

Le châssis est neutre, pas de train avant qui engage en entrée de courbe, une machine facile à inscrire en coupant les gaz.  Le grand bras de levier doit aider c'est sûr, mais la géométrie d'ensemble est réussie quoi qu'il arrive. Le freinage est d'époque, c'est vraiment la seule chose qui tranche dans le paysage.  A un train mesuré, tout va bien. Mais si on s'avise d'utiliser le moteur, il en manque. La transmission est très agréable. La boîte est plutôt  douce et précise, sans faux points morts.

Puis au cours de la balade, fatalement, l'envie vous prend : pour écouter le son des 4 pots, pour  le plaisir physique de cette poussée franche et continue, on ouvre souvent en grand.  Et là, le moteur ne fait  vraiment pas semblant, la Z1 pousse et fort !

Ce que l'on sait maintenant, 40 ans après, c'est  qu'au-delà de la délivrance de sensations mécaniques de haut niveau, la Z1 est une moto ultra fiable.  Ce moteur aura servi toute la lignée des 4 cylindres durant 10 ans, en augmentant régulièrement de cylindrée et de puissance.

Il s'illustrera fréquemment sur circuit aux mains de Godier-Genoud par exemple ou il remportera l'ancêtre du Championnat du Monde d'Endurance. Il servira de base à des quantités de préparateurs de chassis célèbres : Egli, Segale, Bimota, Martin, etc. Une pièce de choix !