Au milieu des années 1980, la mode est à l’évasion africaine. Tout le monde rêve du Paris Dakar, et depuis l’arrivée de sa NXR prototype en 1986, Honda domine la course. Du coup, l’exploitation commerciale va prendre les traits d’un modèle qui deviendra emblématique, l’Africa Twin. Même si moins de 10 % d'entre elles verront l’Afrique, cette moto est une formidable machine à rêve, et au quotidien c’est surtout une voyageuse à tout faire dotée d’une incroyable homogénéité ! A redécouvrir en essai et en vidéo.

De la course à la rue

Fin 86, Honda règne sur la course la plus branchée du moment, le Paris Dakar, où son proto NXR (voir l'essai de la NXR et notre dossier Histoire des trails V2 Honda) gagne à chacune de ses apparitions. Autant en profiter : Honda dévoile fin 87 l’Africa Twin 650. Si la base technique est dérivée de la célèbre Transalp, la XRV arbore une esthétique très proche de la victorieuse NXR d’usine. En pleine mode Dakar, elle est parfaitement réussie, et fera rêver chaque apprenti aventurier au fond d’un terne box du le 11è arrondissement de Paris. Il y a même le logo HRC en bas du carénage ! 

Look ravageur, gros réservoir, coloris racing : chacun se voit arpenter les déserts africains en allant au bureau. Le moteur est un V2 ouvert à 52° refroidi par eau à 3 soupapes par cylindre. Le cadre est renforcé pour une utilisation orientée piste. Les suspensions ont de grands débattements et la selle culmine à 890 mm, l’Africa est une baroudeuse avec ses grilles de protection pour les phares. Le réservoir de 24 litres permet de longues étapes et protège plutôt bien les jambes du pilote. Le porte-paquet permet de transporter les bagages. Elle annonce 57 ch pour 193 kg. La mode Dakar bat son plein, les ventes décollent ! En 1990, Honda fait évoluer le moteur en 750 et équipe la moto d’un deuxième disque. 


En 1993, l’Africa Twin change totalement. Nouveau cadre (au bénéfice du centre de gravité abaissé), nouvel habillage et puissance du moteur poussée à 62 chevaux (205 kg). Pour réduire la hauteur de selle et rendre la moto plus compacte, le filtre à air, jusqu'alors sous la selle, migre sous le réservoir, où il est plus à l’abri des poussières et du sable.  

C’est cette version qui sera la plus vendue et finira d’asseoir la réputation du modèle. Elle est plus compacte, plus basse de selle. Ultra facile à prendre en mains, elle est aussi à l’aise en ville que sur route ou en chemins. Un trail complet, polyvalent, qui sans le savoir sera la dernière Africa Twin de la famille pour un long moment… C’est celle que nous essayons aujourd'hui.

La reine des grands espaces.... et des départementales

De grandes suspensions, un mono-amortisseur Pro Link de qualité, un énorme sabot moteur en aluminium, deux phares ronds, un gros réservoir, un moteur bourré de couple, l’Africa au look trail est en fait une routière au potentiel incroyable.  Loin, bien loin du sable africain, l’Africa est une sacrée voyageuse, doublée d’une moto  abordable et pratique au quotidien. Rarement l’homogénéité n’a été aussi évidente dans cette famille des gros trails lookés Dakar. Le modèle que nous essayons est équipé de pneus au profil routier. C’est bien là que 90 % des Africa vont vivre. On verra que ses capacités sont encore bien d’actualité.

Assis derrière un large réservoir et un grand guidon, on admire un poste pilotage ultra fourni avec des trip masters séparés, une console d’inspiration très rallye raid. La bulle remonte haut, les protège-mains s’annoncent utiles pour les matins d’hiver et sous la pluie. Un coup de démarreur après avoir actionné le starter planqué au-dessus de l’embrayage, et le V2 Honda s’ébroue.  Issu de la famille NTV-Revere-Pacific Coast-Shadow, il est connu pour son caractère docile, sa linéarité et ses bonnes dispositions.

Dès le lâcher d’embrayage, tout est frappé du caractère Honda habituel enrobé de douceur. La sonorité délivrée par le gros silencieux aluminium avec sa grille de protection inox est feutrée.

Ceux qui craignaient le gabarit (à l’époque elle semblait grosse, ce n’est plus du tout le cas aujourd’hui) seront rapidement rassurés. L’Africa est facile à emmener, les réactions sont prévisibles, le moteur prévenant, dosable. Avec ce V2 très disponible, sans réelle crête de couple décelable, l’Africa se met en mouvement avec une redoutable efficacité. Les grandes suspensions filtrent les aspérités, les départementales chaotiques sont son domaine de prédilection !

Le double disque avant se révèle puissant et provoque logiquement un peu de plongée si on tire fort sur le levier vu la douceur des suspensions. Mais cette puissance sera appréciable avec passager, bagages et plein d’essence. Bien vu !

Agile et équilibrée

Le confort à bord est très agréable : moteur souple, châssis rigide et équilibré, suspensions progressives... Quand le rythme augmente, on balance l’Africa d’un virage à l’autre facilement, aidé en cela par la répartition des masses équilibrée et le grand guidon qui facilite les inscriptions en courbe.

Le moteur répond présent à chaque sollicitation. Si on n'est pas débordé par les 60 chevaux, on apprécie sa large plage d’exploitation. De 2000 tr/min à la zone rouge, un rapport au-dessus ou au-dessous et le V2 750 vous propulse. Le mieux est tout de même d’enrouler sur le couple bien réparti et vous serez surpris du rythme qui deviendra rapidement soutenu sans en avoir l’air… La vitesse de croisière est facile à tenir même avec un gros chargement, seules les grosses relances en montagne à la sortie des épingles vous demanderont de rétrograder si vous êtes chargé au maxi. A fond, une Africa tutoie les 200 km/h compteur, mais est-ce vraiment important ?

Une immense palette de possibilités

L’Africa se révele bien plus qu’un trail "Dakar réplica", c’est une moto à la polyvalence ultra large, du chemin du bureau à la route des grands voyages, elle sait vraiment tout faire en vous facilitant la vie y compris en duo. Le carénage vous protège correctement, les instruments sont lisibles et précis, le bruit feutré n’est pas fatigant. En fait, la cylindrée offre un parfait équilibre performances - poids - compacité. Une fragile équation à mettre en œuvre. C’est sans doute la qualité reine de cette machine de grand tourisme : l’homogénéité.

Même les chemins sont abordés avec confiance, pour peu que l’on garde à l’esprit le poids général. Mais si vos notions de conduite tout-terrain sont réelles, vous serez là encore bluffés de voir l’Africa dériver à l’accélération, se mettre proprement en glisse au freinage. Pour peu que vous ayez la bonne monte de pneus (trails typés tout-terrain), ce sont des pistes bien techniques que vous pourrez aborder. Balaise !

La frime, mais pas seulement !

Avec son nom évocateur, l’Africa voulait vendre le rêve de l’aventure. Mais en fin de compte, son potentiel général en a fait une machine très bonne à tout faire, avec un brio bien réel. Maison, bureau ou Cap Nord, chemins de la Creuse ou pistes du Sénégal, le V2 Honda aura ravi des dizaines de milliers de propriétaires par sa facilité et sa polyvalence. Elle est restée 10 ans au catalogue et ce n’est pas un hasard si elle a de nombreux nostalgiques : cet essai nous aura fait comprendre pourquoi ! Un gros trail oui, mais pas un pachyderme, une moto équilibrée. Une belle leçon de maîtrise !

Les plus
  • Homogénéité
  • Confort
  • Polyvalence
Les moins
  • On cherche encore !
Équipement
  • Démarreur
  • Tripmaster
Vidéo: